Ces quatre-vingt-six propos vont à l'essence même du projet éducatif, irréductible à une transmission du savoir : il désigne la formation de l'esprit libre. S'il est difficile de discerner un ordre dans des Propos dont la rédaction s'étale sur une durée de dix ans, le lecteur discernera des idées forces fondamentales ; s'il ne s'agit pas d'un Traité systématique, c'est toutefois une pensée unitaire de l'éducation qui s'y explicite. Le dessein d'Alain est de dessiner une pédagogie, une théorie de l'éducation conçue comme l'art de former un sujet autonome, exerçant librement son jugement. L'analyse de l'œuvre rassemblera quelques thèmes privilégiés en ce qui concerne cette pédagogie de l'autonomie intellectuelle.
[...] La motivation s'adresse à la machine animale de l'homme ; seule l'ambition d'esprit, "une ambition d'esprit que n'ont pas les chiens”, est proprement humaine. "Je ne veux pas trace de sucre", insiste Alain, qui rappelle que "l'attention du chien n'est pas l'attention". La vraie attention, en effet, suppose au contraire une volonté de négation de tous les stimuli ; elle ne considère de son objet que ce qu'elle veut en considérer et non ce qui l'appelle ici ou là : "l'attention est privation, patience, attente qui regarde au-dessus de soi". [...]
[...] Et tout est bien sur le papier" ? Cette fausse rationalité administrative combinée avec une doctrine pédagogique simpliste en vient, avec les meilleures intentions du monde, à rendre la classe impossible. L'idée, par exemple, de répartir, dès l'école élémentaire, les heures d'enseignement en fonction des aptitudes particulières et des goûts des différents maîtres enseignant dans une même école, est séduisante pour le Pédagogue ; elle l'est plus encore pour le gestionnaire pour des motifs qu'il n'est pas besoin de développer. [...]
[...] L'audace de ne se fier qu'à lui-même est interdite à l'apprenti ; on lui enseigne seulement à faire les choses comme elles se font, c'est-à-dire à penser le moins possible. Et c'est bien pourquoi le temps de l'école, le temps de l'esprit, est nécessaire à tous les hommes si l'on veut que, dans les choses humaines comme dans la vie de la cité, ils pensent au-dessus de leur métier - c'est-à-dire librement et universellement. Conclusion et avis du lecteur Un des grands mérites d'Alain, dans les Propos sur l'éducation, est de nous détourner de ces méthodes attrayantes qui pullulent à notre époque. [...]
[...] D'un côté, "l'école fait contraste [ ] avec la famille, et ce contraste même réveille l'enfant de ce sommeil biologique et de cet instinct familial qui se referme sur lui-même ; de l'autre, elle s'oppose au sérieux prématuré du monde du travail hostile à la "pensée de jeu" qui "limite ses problèmes, et nie les conséquences", et où l'esprit est "libre et juge de soi un petit moment". Voici réhabilité le jeu, mais à sa juste place. Ce n'est pas un moyen pédagogique, c'est la liberté même de l'esprit. L'école, à mi-chemin entre l'ordre du cœur qui cherche à retenir l'enfant et l'ordre du monde qui menace de l'écraser, est le moment de l'esprit. L'école n'est pas ludique car on y travaille ; mais elle n'est pas le travail car on n'y produit rien. La loi du travail est sévère en ce qu'elle interdit l'erreur. [...]
[...] Propos sur l'éducation d'Alain Introduction Ces quatre-vingt-six propos vont à l'essence même du projet éducatif, irréductible à une transmission du savoir : il désigne la formation de l'esprit libre. S'il est difficile de discerner un ordre dans des Propos dont la rédaction s'étale sur une durée de dix ans, le lecteur discernera des idées forces fondamentales ; s'il ne s'agit pas d'un Traité systématique, c'est toutefois une pensée unitaire de l'éducation qui s'y explicite. Le dessein d'Alain est de dessiner une pédagogie, une théorie de l'éducation conçue comme l'art de former un sujet autonome, exerçant librement son jugement. [...]
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