Les mécanismes susceptibles d'engager la responsabilité de l'homme politique du fait de ses promesses électorales ne sont pas pleinement effectifs dans les démocraties représentatives modernes. Néanmoins, on ne peut s'empêcher de ressentir un certain malaise devant ces promesses fallacieuses. Comme une gêne… N'y aurait-il-il pas d'un point de vue moral une responsabilité de l'homme politique ?
[...] Ce qui engage la responsabilité de l'homme politique, dit Kant, c'est d'avoir menti. Il voit dans la promesse l'un des éléments constitutifs du contrat l'autre élément constitutif étant l'acceptation. Il considère que puisque nul ne peut contraindre une personne à faire une promesse dans la mesure où elle implique l'autonomie de la volonté, la promesse entraîne l'obligation, c'est à dire le devoir de tenir son engagement. Tel est le sens de la formule pacta sunt servanda. Mais tenir sa promesse est un devoir de droit que l'on peut être contraint de remplir (Métaphysique des Mœurs, Introd., III). [...]
[...] La phronésis est en effet LA qualité de l'homme politique, or elle est incompatible avec tout mandat impératif par exemple. Il s'agit de ne pas sacrifier un peuple à un idéal tout en ne renonçant jamais en sachant saisir le moment opportun pour autant que cela soit possible. Il n'y a rien de pire que de vouloir tenir une promesse à tous prix. Mais, si c'est davantage faire une promesse sans intention de la tenir qui préoccupe précisément Kant, on peut alors lui opposer que le mensonge serait un mal nécessaire en politique. [...]
[...] Réaliser mes engagements, c'est désormais mon affaire, vous pouvez vous en remettre à moi et retourner à vos occupations . Mais en même temps qu'il s'approprie l'action, l'homme politique confisque la parole. Je vous ai compris c'est aussi une façon polie de dire maintenant vous pouvez vous taire Comme l'enfant qui par ses cris, arrache la promesse destinée à les faire cesser. En ce sens les promesses électorales ne visent pas tant à clore un débat qu'à l'empêcher de s'ouvrir. [...]
[...] Car rien n'est pire que d'en faire le prétexte à un accomplissement personnel, et au lieu de mettre modestement ses ressources personnelles au service de l'intérêt commun, comme n'importe quel fonctionnaire non-corrompu, de mettre les ressources communes au service du plus pernicieux des intérêts personnels : l'édification pour la postérité de sa propre statue. Ce qui compte, quels que soient les moyens utilisés, est que son action soit dirigée vers l'accomplissement du bien commun. Dans un texte fort lucide de 1978, et qu'on lui a injustement reproché par la suite Le chef mythique de la révolte de l'Iran Michel Foucault remarquait qu'aucun leader politique ne pouvait se vanter d'être l'objet d'un attachement aussi personnel et aussi intense que Khomeyni. [...]
[...] Par la promesse, une volonté libre s'impose un devoir : une promesse doit être tenue. Sinon, c'est rompre un engagement, et en quelque sorte mentir. Faire une promesse avec l'intention de ne pas la tenir, dit Kant, est absolument contraire à la loi du devoir car il est impossible d'en universaliser la maxime : la parole humaine ne serait alors aucunement crédible. Le discours mensonger généralisé interdirait la pratique même du discours. Mais le principe de véridiction appliqué absolument ne rendrait-il pas lui aussi la société impossible ? [...]
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