Mon propos n'est donc pas d'annoncer la mort
de la vérité pour le chercheur scientifique moderne mais plutôt de dire que ce dernier par dépit ou par réalisme, a décrété qu'il n'a pas besoin de vérité transcendante, immuable et intemporelle pour produire et pour élaborer des modèles et des lois imparfaites, certes, mais utiles pour faire progresser la connaissance. Avant de développer quelques arguments pour étayer mes assertions, j'empreinte à deux
physiciens modernes deux phrases, tronquées de leur contexte mais très significatives quant au coeur du problème que je me propose de développer. D'abord cette phrase de Lincoln Barnet, physicien américain connu pour avoir écrit une des nombreuses biographies d'Albert Einstein. Barnet dit "Grâce au langage des mathématiques, ils (physiciens du 20ème siècle) ne peuvent décrire comment les choses se comportent,
alors qu'ils ne savent pas et n'ont pas besoin de savoir ce qu'elles sont". Et puis cette autre phrase encore plus explicite, du physicien danois Niels Bohr (1885-1962) prix Nobel de Physique: "il est faux de croire que le rôle de la physique consiste à découvrir ce qu'est la nature. La physique a pour objet ce que nous pouvons dire de la nature".
Des propos qui contrastent étrangement avec les réalisations tonitruantes de la science et de la technologie. Réalisations qui conditionnent la vie de l'homme dans ses moindres détails. Ils dénotent le désarroi de celui qui avance à l'aveuglette au gré
des prédictions de modèles mathématiques de plus en plus complexes dont les performances incontestables ne peuvent se faire qu'au prix d'un éloignement constant du sens commun et de la perception intelligible.
Comment en est-on- arrivé là? Quel est ce cheminement du projet scientifique, qui avait ambitionné au départ de donner une explication globale et intelligible au fonctionnement de la nature, et qui est en train, en fait, de l'en éloigner inexorablement?
Je dois dire de prime abord que si la raison ne s'est jamais fait beaucoup d'illusion sur sa capacité de cerner la vérité dans sa globalité, elle n'a pas échappé, pour autant, à la tentation passagère d'appréhender la complexité du monde : nous
arrivons finalement à découvrir que le problème de la science physique consiste à ramener les phénomènes naturels à des forces invariables d'attraction et de
répulsion dont l'intensité dépend entièrement de la distance. La solution de ce problème est la condition d'une intelligence complète de la nature. Ambition
démesurée! quand on sait qu'indépendamment de la discussion métaphysique qu'on pourrait avoir sur l'existence même de l'absolu, c'est l'approche "maïeutique" préconisée qui introduit la contradiction fondamentale. Comment peut-on, en effet, prétendre appréhender une vérité qui se veut universelle, transcendante, intemporelle et indépendante du sujet pensant en utilisant un organe historique, le cerveau, soumis aux lois de l'évolution et façonné par l'acquis? Comment un élément du système, futil le plus sophistiqué, peut-il prétendre avoir une perception syncrétique du système dans son ensemble?
[...] La physique a pour objet ce que nous pouvons dire de la nature" . Des propos qui contrastent étrangement avec les réalisations tonitruantes de la Science et de la Technologie. Réalisations qui conditionnent la vie de l'homme dans ses moindres détails. Ils dénotent le désarroi de celui qui avance à l'aveuglette au gré des prédictions de modèles mathématiques de plus en plus complexes dont les performances incontestables ne peuvent se faire qu'au prix d'un éloignement constant du sens commun et de la perception intelligible. [...]
[...] Le système scientifique est si cohérent qu'il peut délimiter, de lui même, son champ d'applicabilité. Il en est ainsi de ce qu'on appelle la relation d'incertitude d'Heisenberg du nom du physicien anglais Werner Heisenberg (1901-1976) qui énonce que le produit des incertitudes sur la position et la quantité de mouvement des particules élémentaires ne peut être inférieure à une valeur finie appelé constante de Planck. Traduite en termes vulgarisés, la relation d'Heisenberg postule qu'il n'est pas possible de localiser une particule et de calculer avec précision sa vitesse et cela non pour des raisons expérimentales mais par caprice de la matière. [...]
[...] Qui oserait prétendre aujourd'hui connaître suffisamment bien l'ensemble des disciplines scientifiques pour en extraire un suc commun. Le Chercheur moderne a pris acte de cet éclatement qui ne semble constituer nullement un frein à son imagination et sa créativité. Bien au contraire, pourrait-on dire, le deuil fait de la vérité unique et intemporelle a désacralisé l'activité de la recherche scientifique. Débarrassées des boulets métaphysiques qui les ont trop longtemps clouées au sol de la légende et de la superstition, les petites vérités scientifiques ont fini par prendre l'envol. [...]
[...] En effet les instruments pour être efficaces, trient, amplifient, ordonnent, transforment, colorent, réduisent, calculent, extraient Bref, ils réalisent un ensemble d'opérations sur l'objet avant d'en faire une représentation qu'ils délivrent en bout de chaîne, pour le moins, dénaturée. Il est indéniable, donc, que l'intermédiaire instrumental introduit des manipulations par rapport à la réalité des objets tels qu'ils se présentent dans le milieu naturel. Et plus l'instrument est sophistiquée, plus grand est l'écart à la réalité qu'il est censé refléter. La caricature de cette progression est donnée par le monde virtuel que peuvent confectionner les ordinateurs et les calculateurs modernes. [...]
[...] Mais ces entorses elles même semblent répondre à un projet (Jaques Monod parle de téléonomie) . Il en est ainsi de la transgression de la loi de la symétrie bien connue des physiciens des particules. Transgression qui semble être à l'origine de toute la matière existante dans l'Univers. Dans le domaine de la biologie, les mutations génétiques sont un exemple encore plus explicite. Les mutations génétiques constituent, en quelque sorte, un croisement entre les espèces: croisement par ailleurs interdit par la loi générale de l'hérédité. [...]
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