La prise de conscience ne se fait pas toujours dans la joie et l'on peut parfois la vivre comme une épreuve douloureuse. En effet, le savoir auquel nous confronte la prise de conscience semble mettre un terme brutal à une somme d'illusions bienfaisantes ainsi qu'à une forme de liberté consistant à croire ou à se comporter comme il nous plaît. En même temps, on ne peut que s'interroger sur la valeur de l'inconscience et du sentiment de liberté qu'elle procure, car il semble bien que ce soit une valeur trompeuse. N'est-ce pas plutôt la prise de conscience qui nous libère et en réalité l'inconscience qui nous enchaîne? Mais alors le problème revient à comprendre comment la liberté est à l'oeuvre dans toute prise de conscience et à quelles conditions.
[...] Mais l'inconscience est une fausse liberté. Tout d'abord, ne pas connaître est une forme de dépendance. Nous pouvons remettre en question l'idée que la subjectivité serait confortable et "libre". En effet, rester rivé à son propre point de vue et se voir subjectivement tel que l'on désire se voir, c'est proprement ne pas se connaître et ne pas vivre en accord avec soi-même. Or cela revient à être dépendant d'une image fausse de nous-mêmes pouvant nous entraîner à faire de mauvais choix, à ne pas avoir aussi ce que nous faisons. [...]
[...] Il y a des conditions pour que toute prise de conscience soit effectivement libératrice. La prise de conscience doit permettre la connaissance unificatrice de soi. La prise de conscience ne signifie pas "renoncer à sa subjectivité pour s'imposer un point de vue cruel sur soi- même". La prise de conscience doit plutôt être un moyen pour notre conscience de rencontrer et de partager la subjectivité d'autrui, même s'il faut certes passer par ce que Sartre appelle "l'épreuve de la honte". [...]
[...] Ensuite, la prise de conscience doit être une responsabilité autonome. De même, croire que la responsabilité à laquelle nous engage la prise de conscience est aliénante serait une erreur. C'est au contraire la responsabilité qui est source de liberté, en nous permettant d'agir en tant que sujet autonome, animé d'une volonté et capable de maîtriser la réalité, de revendiquer et d'assumer de vrais choix. Là aussi, la responsabilité n'est pas quelque chose de facile, mais c'est la condition pour une vraie liberté, impliquant que l'on se libère d'une fausse liberté consistant à agir inconsciemment, au hasard de désirs non assumés. [...]
[...] Toute prise de conscience est-elle libératrice? La prise de conscience ne se fait pas toujours dans la joie et l'on peut parfois la vivre comme une épreuve douloureuse. En effet, le savoir auquel nous confronte la prise de conscience semble mettre un terme brutal à une somme d'illusions bienfaisantes ainsi qu'à une forme de liberté consistant à croire ou à se comporter comme il nous plaît. En même temps, on ne peut que s'interroger sur la valeur de l'inconscience et du sentiment de liberté qu'elle procure, car il semble bien que ce soit une valeur trompeuse. [...]
[...] Or cette amertume peut être le signe que notre esprit, plongé et noyé dans l'illusion, se sent à la merci d'une vérité moins plaisante et qui menace sa joie. En cela, l'illusion est menacée par une désillusion toujours possible et sa liberté n'est elle aussi qu'une apparence, une fausse liberté. Platon montre également que le "prisonnier" de la Caverne est au fond prisonnier de ses ombres, lesquelles lui montrent un monde tronqué, réduit, et l'empêchent de saisir la vérité profonde des choses, symbolisées par le Soleil. Il nous faut donc bien admettre que l'inconscience n'offre pas une vraie liberté. [...]
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