Les principes de libertés individuelles entrent-ils en conflit avec l'idée d'identité nationale ?

Résumé du document

Depuis la révolution française, l'identité politique moderne est par excellence la nation. Les sociétés démocratiques modernes se caractérisent ainsi par un fort sentiment d'appartenance, une constante référence à l'identité nationale. L'identité implique des éléments de similitude et une unité de communauté. L'identité permet que l'on se reconnaisse soi-même et que l'on soit reconnu par les autres . Mais si identité nationale et démocratie vont souvent de pair dans le discours politique, cette relation n'en est pas moins emprunte d'ambiguïtés. Ainsi, l'identification à la nation est, à la base, un contrat universaliste visant à préserver les libertés de l'individu et son autonomie. Cependant, dans la pratique, les libertés individuelles se voient de plus en plus menacées par la référence à une identité nationale intégratrice.

Extraits

[...] Elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L'existence de la nation est un plébiscite de tous les jours. La thèse de Renan fait donc du sentiment national une expression de la subjectivité. C'est une approche volontariste qui caractérise l'identité nationale par la volonté de l'individu. C'est lui-même qui choisit de s'inscrire dans la nation, en raison d'un projet et d'un idéal commun : c'est l'idée de la nation-élective. [...]

[...] " Ceux qui parlent la même langue, dit Fichte dans Discours à la nation allemande, forment un tout que la pure nature a lié par avance de milles liens invisibles Que l'on privilégie la langue ou bien l'histoire, c'est donc toujours la culture qui impose la nation. En effet, chaque individu est enraciné dans un territoire culturel qui fonde l'identité nationale. Il s'agit donc d'une identification par le passé, c'est-à-dire d'une nation-héritage. De ces deux théories distinctes, la vision rhénanienne de la nation semble être celle à laquelle la pensée politique moderne fait le plus référence. [...]

[...] Il peut donc cesser d'être déterminé par son appartenance à un groupe réel ; l'identité nationale permet au citoyen de rompre avec les déterminations qui l'enfermeraient dans une culture et un destin imposé par sa naissance, et à se libérer des rôles prescrits. Ainsi, loin de restreindre les libertés individuelles, l'identité nationale permettrait de transcender tout déterminisme et restaurer pleinement l'autonomie du sujet. II) Cependant, dans la pratique, la préservation des libertés individuelles par l'identité nationale devient plus ambiguë, puisque cette identité est à la fois reçue et choisie. De plus, le sentiment national, par la nécessaire intégration qu'il produit et inflige à l'individu, finit par annihiler partiellement les libertés individuelles qu'il prétend défendre. [...]

[...] Parce qu'elle affirme la garantie des libertés individuelles mais s'efforce en même temps de les circonscrire, l'identité nationale doit aujourd'hui être repensée et reformulée en une relation moins équivoque. Il semble ainsi nécessaire de dépasser la nation sans toutefois remettre en cause la force politique de Etats et le lien social. Bibliographie Nations et Nationalismes, édition La découverte DELANNOI, Gil, Réflexions sur le nationalisme, in ESPRIT, janvier 1994 FICHTE J.B, Discours à la nation allemande HERAUT Guy, Analyse critique du concept subjectif de nation KRULIC Brigitte, La nation : une idée moderne NOIRIEL Gérard, La tyrannie du national RENAN Ernest, Qu'est-ce qu'une nation ? [...]

[...] Mais l'aspect le plus dangereux pour les libertés individuelles vient du conformisme que sous-tend l'idée d'identité nationale. A ce niveau, le modèle français de la nation en fournit la plus parfaite illustration. En effet, le modèle national français se fonde sur un principe intégrateur et mono culturaliste. Il ne fait ainsi aucune place aux différences et aux particularités. En devenant français, le citoyen cesse toute autre référence identitaire et adopte la totalité des valeurs et coutumes nationales. La nation vise à intégrer les individualités qui la composent, et se sert pour cela de l'éducation qui, en diffusant les valeurs et mœurs nationales, parvient à homogénéiser la population. [...]