Une preuve peut se définir comme étant une démarche, une procédure qui amène l'esprit à admettre la vérité d'une affirmation tandis qu'un préjugé est, selon Alain dans Les Arts et les Dieux, « ce qui est jugé d'avance, c'est-à-dire avant qu'on se soit instruit ». Face à ces définitions, il semble qu'on ne peut que s'incliner devant une preuve (...)
[...] La démonstration est ou n'est pas correcte. Si elle l'est, elle doit entraîner l'adhésion de tout esprit de raison. Autrement dit, elle peut combattre facilement un simple jugement hâtif, effectué sans examen préalable. De plus, la preuve peut chercher à établir la réalité d'un fait, c'est-à-dire qu'elle peut se fonder sur une expérience sensible. L'individu est ainsi amené par lui-même à accepter tel ou tel fait, et donc à intérioriser la preuve. C'est aussi pourquoi nous entendons souvent l'expression je ne crois que ce je vois qui suppose déjà un préjugé (par exemple, je ne crois pas que untel soit capable de faire telle chose, alors qu'en réalité, c'est l'inverse). [...]
[...] Conclusion Ainsi, l'efficacité d'une preuve à combattre un préjugé est remise en question par ses propres limites. Pour qu'une preuve puisse être puissante face à un préjugé, il faudrait que celle-ci fasse appel à la sensibilité, aux sentiments, au cœur (donc à la persuasion), ou d'autre part, que l'individu lui-même découvre la vérité grâce à la réflexion. Intervient alors la volonté qui dispose, tandis que l'entendement propose. Car toute preuve, aussi infaillible puisse-t-elle être, restera muette face à celui qui ne veut pas l'entendre. [...]
[...] On a parfois le sentiment de pouvoir adhérer à un raisonnement malgré nous, non par parce que les arguments nous auraient convaincu mais parce que nous nous serions laissés toucher par les figures de style de l'orateur. Ainsi, Rousseau fait la distinction dans le Contrat Social entre un bon et un mauvais législateur. Le mauvais sait bien parler mais ses discours vont toucher les citoyens en tant que particuliers. Son souci sera d'être reconnu, d'être élu. Son discours n'incarnera pas l'intérêt commun ; la vérité d'un discours ne se fonde pas uniquement sur la cohérence de la démonstration. Il nous faut donc distinguer deux formes de types de vérité. [...]
[...] Si on peut convaincre parfois sans persuader, ce qui serait une certaine faiblesse, de la preuve, on peut être aussi touché, agréer sans convaincre. Il s'agirait en fait de distinguer différents degrés du discours. Face à un discours, on peut dire oui et ne rien faire ; on peut aussi dire non et agir. Cette réflexion sur la preuve et le préjugé nous amène en fait à distinguer deux types d'évidence : l'évidence raisonnable et l'évidence affective. Ce qui caractérise l'évidence affective, c'est qu'elle est persuade en plaisant. [...]
[...] Une preuve ne peut-elle pas détruire un préjugé ? Préjuger de quelque chose, c'est juger avant d'avoir les informations nécessaire, avant d'avoir examiné la cohérence du raisonnement. Un préjugé n'est pas nécessairement faux, c'est simplement une affirmation qui n'est pas fondée. Ainsi en est-il de l'héliocentrisme (théorie qui considère que le Soleil est le centre de l'univers, et non pas la Terre) qui était bien un préjugé tant que Copernic n'avait pas procédé à une démonstration mathématique et que Galilée l'ait démontré expérimentalement. [...]
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