Depuis une trentaine d'années, en France mais aussi au sein d'organisations internationales comme l'ONU, les problématiques liées à l'environnement et aux conséquences des actions humaines se sont développées et les politiques de précaution semblent être la voie adoptée. En effet, la multiplication des crises, notamment en matière de santé (sang contaminé par exemple, mais surtout la crise de la vache folle) a conduit à une réaction de la part des pouvoirs publics et ce qu'on appelle le « principe de précaution » est même entré dans la Constitution en février 2005.
D'après la loi Barnier de 1995, il s'énonce comme suit : « l'absence de certitude, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ». Aujourd'hui, ce principe est brandi à tout-va dès lors qu'un risque existe en matière de santé humaine, animale ou végétale. Il y a donc désormais confusion entre la précaution comme prudence face aux évolutions technologiques et le principe comme norme juridique. Principe signifie ici une règle générale de conduite. Dans les sociétés développées, qui cherchent à assurer la sécurité dans ces domaines, ce principe est devenu une expression populaire incontestée, alors qu'il ne semble pas du tout évident que ce principe puisse être un mode de gouvernement efficace. Eriger la précaution en principe revient à la fixer, à la rendre difficilement modifiable, dans des domaines où la flexibilité paraît indispensable. Ainsi, il est facile de refuser toute innovation au nom de ce principe afin d'éviter les responsabilités. Peut-on alors donner une portée juridique et normative à la précaution, qui paraît relever avant tout d'une pratique ?
[...] Or, cela pose certains problèmes : l'Etat, une gestion publique des risques, est-il le plus à même de diminuer les risques, comme le veut le pdp ? (pour pousser à l'extrême, exemple de Tchernobyl et de l'environnement malmené dans les ex-PECO). On peut penser que la responsabilité étant entre les mains de l'Etat, le prix de la négligence est plus faible. Jonas considère quant à lui le rôle des pouvoirs publics indispensables dans cette précaution, qu'il nomme principe responsabilité : l'essence transformée de l'agir humain modifie l'essence fondamentale de la politique La société s'est modifiée avec l'évolution des techniques et selon Jonas, il faut faire en sorte d' agir de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre Plus loin, il écrit nous avons le droit de risquer notre propre vie mais non celle de l'humanité Pour lui, seule la peur, qui est une passion, est capable de nous faire agir. [...]
[...] C'est bien parce qu'il s'agit de ce genre de risques que la précaution peut (et doit peut-être) être érigée en principe. Dupuy note en effet, qu'avant l'instauration du pdp, les gouvernements attendaient que la catastrophe ou le dommage arrive, puis ils intervenaient. Selon lui, la peur de la catastrophe à venir n'a aucun effet dissuasif on est dans l'impossibilité de croire que le pire va arriver. On ne croit à l'éventualité de la catastrophe qu'une fois celle-ci advenue, telle est la donnée de base». [...]
[...] Conclusion Eriger la précaution en principe n'est donc pas sans poser de problème. Cela correspond en effet à une politique publique adoptée fréquemment aujourd'hui dès lors que des risques potentiels se présentent. Le principe permet de normer l'attitude à adopter mais l'interprétation laissée par cette norme reste grande et inadaptée aux risques inconnus. En effet, les domaines dans lesquels il s'applique font que la précaution reste une affaire de jugement plus que d'imposition de règles générales et mécaniques et dans ce sens, il est peut-être difficile de parler de principe. [...]
[...] Il y a non seulement difficulté dans la détermination du risque acceptable mais aussi des risques les plus importants un principe difficile à tenir Enfin, outre la difficulté de maintien de la croissance et de l'innovation, le principe lui-même semble difficile à tenir dans la mesure où il s'appelle précaution mais invite à ignorer les risques d'une interdiction. La logique devrait donc être de ne pas le faire appliquer tant que les gouvernements n'ont pas prouvé qu'il est sans danger. Cf. Hépatite B et vaccination à l'école. (suspension en 98 par ministère santé car aurait provoqué SEP. En fait, 1ou 2 cas sur enfants et vaccination faisait plus de bien que de mal, mais population avait perdu toute confiance dans le vaccin et ne voulait plus se faire vacciner). [...]
[...] En effet, cela semble poser un problème légal dans la mesure où l'action contre laquelle le principe va s'appliquer n'est que potentielle. L'action n'est pas encore un délit au moment où la précaution a lieu. cela pose le problème de savoir si le pdp est considéré comme une possibilité ou comme une injonction à agir, alors que le risque serait seulement potentiel. N. de Sadeleer, juriste, souligne que la polysémie du mot principe utilisé par les politiques est un problème pour les juristes. [...]
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