«Novembre 1989 marque la réconciliation de la morale et de l'Histoire.» La célèbre formule de Vaclav Havel après la chute du mur de Berlin marque l'espoir que la destruction matérielle et significative de cette barrière de la honte incarne l'avènement d'un monde nouveau. Un monde sans frontières infranchissables qui permet la communication libre entre les hommes.
Force est de constater que notre monde contemporain se caractérise, de fait, par une extraordinaire communication entre les différents pays : mondialisation, évolution des modes de transports, espace de Schengen... autant de preuves qui ne sont pas sans signifier la bonne santé des rapports que nous entretenons avec les autres. Pourtant, si les éléments structurels de la communication fonctionnent, la mise en relation avec l'autre (celui qui m'est proche, que je côtoie, celui à qui je parle) échoue. La chute du mur de Berlin n'a en effet pas empêché la peur du plombier polonais : elle l'a créée, suscitée voire provoquée.
[...] Par contre, entrer en communication avec l'autre permet d'emblée de fixer des valeurs communes avec ce qui, précisément, n'est pas moi. Dans les échanges avec l'autre, ce qui pose problème c'est ce qui m'est étranger, ce qui est radicalement différent de moi ne peut être ramené à du connu. Tandis que la communication, rendue possible par la mondialisation, ne se fonde que sur un processus d'homogénéisation, l'entrée en communication avec l'autre oblige à reconnaître le caractère infranchissable de la démarche. [...]
[...] Si Havel, ami de longue date de John McCain, a néanmoins tenu à apporter officiellement son soutien à Barack Obama et à le soutenir activement durant sa campagne, c'est probablement parce qu'il ressentait que l'élection de ce dernier permettrait à l'Histoire des États-Unis, marquée par la tache indélébile qu'a constituée l'esclavage, de se réconcilier à son tour avec la morale. Enfin, vent frais va souffler dans l'air de Washington» déclare avec soulagement Havel le 4 novembre 2008. [...]
[...] L'autre : cet étranger Pourtant, si les distances semblent s'abolir grâce à la technique, la forme du processus de communication ne permet pas d'échanger avec ce qui m'est le plus proche. L'autre demeure l'étranger, ce barbare comme le rappelle l'origine grecque du mot. C'est bien ce que mettent en évidence les propos de Havel : les conditions matérielles se sont améliorées considérablement mais les conditions nécessaires pour une vraie relation avec autrui sont empêchées, voire éradiquées par la forme structurelle de toute communication. [...]
[...] Entrée en communication suppose un acte d'ouverture à l'autre, acte intime d'intrusion et qui oblige l'autre à se dévoiler. C'est précisément cette entrée qui est problématique, s'ouvrir à l'autre tel que je suis sous- entend plus qu'une intrusion, c'est un dévoilement , une effraction qui me saisit sans masque ni artifice. En un sens, cette ouverture à l'autre est impossible car cela suppose que l'on cesse de se protéger et cacher derrière les mots. Or, comme le souligne le philosophe Michel Tournier, toute parole comporte un pendant extime et un pendant intime, le premier prenant usuellement le pouvoir sur le second. [...]
[...] L'imagination règne là où la raison et la connaissance font défaut. Un second usage de l'imaginaire devrait lui permettre, en revanche, de s'identifier à l'autre pour le connaître et ainsi compatir à ses souffrances. Mais ce passage d'une imagination primitive à une imagination articulée sur l'usage de la raison est en réalité empêchée, impossible à accomplir tant l'autre m'échappe. C. Se rapprocher nous éloigne-t-il ? Aussi faut-il en revenir aux fondements de la communication pour comprendre qu'à travers elle, l'homme s'éloigne de l'autre. [...]
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