Les pouvoirs : entre secret, mise en scène et transparence Dissertation Culture générale Sciences Po Concours
Introduction
Dans le Dom Juan de Molière, Snagarelle se déguise au troisième acte en médecin et son maître lui assure, parlant des véritables hommes de l‘art, « [qu‘]ils n‘ont pas plus de part que toi aux guérisons des malades et tout leur art, est pure grimace ». Molière, à travers cette nouvelle charge contre une profession qu‘il n‘appréciait guère et qu‘il n‘eut de cesse de dénigrer, dévoile l‘une des stratégies de pouvoir les plus efficaces : le déguisement. Le secret permet en effet au pouvoir de créer un sentiment de mystère, lequel est à la fois une arme de séduction redoutable, car il offre à l‘imagination un espace sans limite et constitue l‘un des ressorts du sacré. Le masque permet donc de saisir et de mettre en branle l‘imagination, et d‘établir une relation d‘autorité, c‘est-à-dire d‘obéissance spontanée. Les grands bonnets et les robes noires qui constituent le solennel apparat du pouvoir médical, ainsi que le mauvais latin qu‘ils emploient pour en imposer à leur patients, suffisent à établir leur crédit.
Le pouvoir politique a-t-il également besoin d‘ainsi se rendre obscur, de se mettre en scène ? Le Prince a pourtant d‘autres arguments, beaucoup plus tangibles, pour prendre l‘ascendant sur ses sujets. La force, bien entendu. Pourtant, le pouvoir refuse en général de s‘exposer, transparent, aux regards de ses gouvernés. Il préfère se mettre en scène et ajouter à son pouvoir physique une autorité immatérielle, mais non moins précieuse. La contrainte physique est en effet un moyen d‘obéissance assez fragile, et le pouvoir, à la recherche d‘autres assises, préfère frapper l‘imagination pour susciter la crainte et le respect. Il existe plusieurs stratégies de mise en scène. Rester à l‘abri des murs de son palais ou de sa forteresse, et vivre dans un secret presque continu. C‘est en partie grâce à cette retraite hautaine que l‘Empereur du Milieu, Fils du Ciel, qui ne sortait qu‘exceptionnellement de la Cité interdite, a acquis son statut de divinité vivante. D‘autres Princes, loin de rester dans l‘ombre, s‘exposent au contraire en pleine lumière, et font parade du matin au soir, toujours offerts aux regards de leurs courtisans. Il y a pourtant loin entre cette ostentation minutieusement orchestrée par l‘étiquette et une véritable transparence, consentie en toute honnêteté, et qui conduirait à laisser tomber le masque et à montrer le roi nu. Les régimes démocratiques posent la problématique en des termes différents. Le souverain populaire ne saurait, en effet, laisser ses délégués délibérer dans l‘ombre. Le secret, en démocratie, est entouré de soupçon, et ni les représentants siégeant au Parlement, ni le gouvernement, responsable devant la représentation nationale, ne sont fondés à refuser au peuple un droit de regard sur la conduite des affaires publiques. Seuls les tyrans délibèrent dans la pénombre des antichambres. Récemment, la transparence est d‘ailleurs devenue le leitmotiv du discours sur l‘État de droit, un contre-feu face aux risques d‘abus des pouvoirs publics. Cette injonction à la transparence est aujourd‘hui le corollaire de la réforme de l‘État, et toute l‘activité des bureaux doit y faire droit afin de faire de l‘Administration une maison de verre.
Il entre probablement dans cette obsession de la transparence la nostalgie rousseauiste d‘une transparence primitive, d‘une communication authentique et sincère des premiers hommes, non encore corrompus par la civilisation, ne se donnant pas encore en spectacle, mais communiant sincèrement, sans artifice. Paradoxalement pourtant, la transparence est lourde de menace. Au-delà des secrets légitimes des pouvoirs publics et de l‘Administration, qui doivent pouvoir protéger leurs intérêts d‘un regard inquisiteur que rien de viendrait tempérer, la vie privée des individus doit également être défendue. Or la vie privée de l‘individu est moins menacée par les enquêtes du pouvoir politique, même si celui-ci est en effet avide de dévoiler les secrets de ses éventuels adversaires, que par le contrôle social, c‘est-à-dire le regard inquisiteur de ses semblables. La transparence, en dissipant le secret protecteur, laisse les hommes désarmés face à l‘œil immense du panoptique, qui poursuit chacun dans sa plus lointaine retraite et annihile toute intimité.
[...] Pour éviter de toucher à la vie privée, l'auteur a inventé une petite ville, Verrières, et, quand il a eu besoin d'un évêque, d'un jury, d'une cour d'assises, il a placé tout cela à Besançon, où il n'est jamais allé. [...]
[...] À défaut d'être tous très efficace, c'est la mise en scène des médecins qui étayait leur autorité. Cela explique, pour Pascal, le soin scrupuleux qu'ils accordent à leur accoutrement, dont l'aspect étrange intrigue et suffit, indépendamment de la précision de leur diagnostic et de l'efficacité de leurs ordonnances, à fasciner le tout venant : Et si les médecins n'avaient des soutanes 10 Dissertation de Culture générale : Les pouvoirs : entre secret, mise en scène et transparence et des mules [ jamais ils n'auraient dupé le monde, qui ne peut résister à cette montre si authentique. [...]
[...] Paradoxalement pourtant, la transparence est lourde de menace. Au-delà des secrets légitimes des pouvoirs publics et de l'Administration, qui doivent pouvoir protéger leurs intérêts d'un regard inquisiteur que rien de viendrait tempérer, la vie privée des individus doit également être défendue. Or la vie privée de l'individu est moins menacée par les enquêtes du pouvoir politique, même si celui-ci est en effet avide de dévoiler les secrets de ses éventuels adversaires, que par le contrôle social, c'est-à-dire le regard inquisiteur de ses semblables. [...]
[...] Le délai de consultation de droit commun se trouve réduit à trente ans Dissertation de Culture générale : Les pouvoirs : entre secret, mise en scène et transparence simplification du langage administratif (C.O.S.L.A.), créé en 2001, œuvre en ce sens. Les courriers par exemple sont souvent rédigés dans un langage technique, notamment juridique et procédural, difficile à comprendre. Les formulaires et les procédures présentent également un degré de complexité parfois disproportionné, et il apparaît que d'importantes marges de simplification existent. [...]
[...] Le dernier recours du roi Dissertation de Culture générale : Les pouvoirs : entre secret, mise en scène et transparence qu'il paraisse les avoir. 2. Le pouvoir ne s'exhibe qu'en suivant une étiquette rigoureuse, et il s'il offre au regard de tous, ce n'est pas par souci de transparence, mais pour se mettre en scène. En s'offrant glorieux aux regards de tous, le Prince se met en scène plus qu'il ne dévoile. L'exercice curial du pouvoir repose sur la centralisation du pouvoir autour d'un homme, dont les moindres gestes sont guettés comme des oracles, et qui possède le monopole de la distribution des distinctions et des disgrâces. [...]
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