Les mots, la parole, sont généralement avancés pour établir une frontière entre l'Homme et l'animal. En cela, ils semblent caractériser tout ce qui est propre à l'humain : Société, Politique, mais aussi Histoire, Science ou Philosophie. Le pouvoir des mots semble donc être pratiquement absolu puisque ceux-ci sont à la base de tout ce qui fait l'Homme et de tout produit de l'Homme. Mais dans une société où l'on évoque une crise du langage, de la parole, de la littérature, ou de l'orthographe et où l'image est faite reine, peut-on affirmer réellement aujourd'hui que le mot est et reste omnipotent ? (...)
[...] Qu'y a-t-il de plus réel que les mots ? demandait Eugène IONESCO. En effet, le pouvoir des mots est simple, et ne dépend pas d'une époque, ni même de la nature des mots : ce pouvoir est de faire exister les choses, de leur donner une substance en les qualifiant. Le mot, considéré par certains comme abstrait et sans substance, est en fait à la base de chaque chose. * * * Même dans une société où le mot est en crise, ainsi que la littérature, et où l'éloge de l'action est entrepris par tous les libéralistes, le mot conserve un pouvoir absolu, quelle que soit sa forme : celui de conférer une substance à toute chose. [...]
[...] L'intérêt de la jeunesse pour les mots est de plus en plus faible, l'enseignement du grec ou du latin, par exemple, est de moins en moins systématique, et l'on conçoit de plus des élites, dans différents domaines, dont la maîtrise du français (par exemple) n'est pas irréprochable. Ce phénomène est potentiellement lié à celui de la mondialisation, où les échanges se font plus nombreux, fréquents, et où une langue doit être un moyen de communication rapide, efficace, et surtout facile à maîtriser. Pour qu'une langue soit rentable, il faut qu'elle soit simple. Cela signifie-t-il que toutes les langues sont vouées à se simplifier d'avantage, jusqu'à un stade où le mot n'aura plus d'utilité ? Certains le pensent. [...]
[...] Il est d'ailleurs intéressant de noter que de ces deux langages naissent différents univers. GATES a fait naître le monde informatique. Quant à TOLKIEN, il à travers Le Silmarillon notamment, donné naissance à la Terre du Milieu. De manière générale, les mots sont le seul moyen pour l'Homme de créer quelque chose qui soit à la fois réellement plus grand sue lui et pérenne. En soi, on peut donc dire qu'aujourd'hui encore, les mots, quelle que soit leur forme, conservent un pouvoir fondateur et universel. [...]
[...] * * * Mais si la parole semble être reléguée au second plan, c'est peut- être en partie à cause de la revalorisation de l'action. D'une part, la parole n'est pas productive ; d'autre part la technique l'a rendue obsolète. Le temps, c'est de l'argent affirmait Benjamin FRANKLIN dans un ouvrage intitulé Advice to a young tradesman. Cette remarque, devenue proverbiale, reflète le fait que dans une société libérale, le temps est un bien précieux et cher. Or, la parole est une activité chronophage, et souvent peu rémunératrice. Le bon homme d'affaires se doit donc d'agir vite, sans se perdre en considérations stylistiques. [...]
[...] D'autre part, le travail en lui-même ne nécessite pas la parole, puisqu'il est orchestré de manière à ce qu'il se réalise et s'enchaîne d'une manière prédéterminée, et ne nécessite pas d'intervention orale. Le travail aliène l'Homme, affirmait MARX, et comme le mot, au même titre que le rire, est le propre de l'Homme, il est supprimé en même temps que l'homme est aliéné. * * * Mais peut-on réellement être aussi pessimistes quant à l'avenir des mots ? Assurément pas, puisque d'une part, de nouvelles formes de langage apparaissent, et que d'autre part, les mots restent et resteront présents en toute chose. J.R.R. [...]
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