Dans l'U.R.S.S. de la première moitié du XXe siècle, Joseph Staline se faisait appeler le « petit père des peuples » et une propagande officielle travaillait au culte de la personnalité, notamment sous forme d'affiches le montrant guidant son peuple ou protégeant les enfants. Si la place de l'image est si importante dans la propagande, c'est sûrement parce qu'elle semble plus apte qu'une autre forme d'expression à véhiculer avec force des idées. Pour désigner cette supériorité de l'image on parle communément du « pouvoir des images ». Mais de quel pouvoir s'agit-il ? Ce « pouvoir » est-il à rapprocher du contrôle autoritaire du despote ? Ou n'est-ce qu'une hyperbole pour exprimer l'efficacité évocatrice de l'image ? En évoquant l'image comme une arme de propagande, et la publicité peut également être vue comme telle, on considèrera en effet d'une part sa capacité à renvoyer à une idéologie et d'autre part, son impact sur l'attention du « spectateur » ; mais ce « pouvoir des images » est-il évident ? Ne s'agit-il pas d'un abus de langage pour désigner la simple efficacité évocatrice ?
[...] En somme, l'image détient un pouvoir à multiples facettes, mais qu'en est-il de l' abus de pouvoir ? Peut-on parler de dictature de l'image ? La question, d'ordre éthique, qui se pose alors, est : peut-on tout représenter ? N'y a-t-il pas des formes d' abus du pouvoir des images ? En 2005, avec la publication des caricatures de Mahomet dans la presse à grand tirage, les réactions sont vives. On leur reproche entre autres leur caractère blasphématoire. Outre la question de la liberté d'expression, c'est la possibilité de représenter qui est mise en cause. [...]
[...] Doit-il ainsi y avoir un contrôle du pouvoir de l'image ? En effet, l'image apparaît comme détenant le pouvoir illimité de révéler : elle révèle la part d'imaginaire en l'homme, elle révèle des connexions en lui, et le révèle lui dans son plus simple état, un mélange de rationalité et de sensibilité. Or certaines choses sont jugées devoir être tues dans certains contextes. D'où la monopolisation de son pouvoir en dictature par exemple, où l'imagerie est très contrôlée. Les images sélectionnées pour la propagande exercent alors leur pouvoir dans le même sens que le régime et on pourrait presque parler de dictature de l'image. [...]
[...] Dans un tout autre contexte, on parlera souvent dictature de l'image : c'est dans le cas de la représentation du corps. Et récemment dans le milieu de la mode s'est posé la question de l'image transmise par des mannequins trop maigres. L'argument principal était la peur que les critères de beauté des adolescentes se voient modifiés. On touche là à une notion essentielle, qui est celle du Beau : par la représentation, par l'image, serait donc véhiculée une certaine idée du Beau, ou du moins celle- ci la façonnerait. [...]
[...] Ainsi lorsque l'image abusera de son pouvoir pour forcer des concepts ou des valeurs inhérentes à l'homme, on pourra parler de dictature de l'image et d' abus de pouvoir Se pose alors la question des modalités de la liberté de représentation : en considérant les risques de dérapage du pouvoir des images peut-on tout représenter ? Doit-on faire une sélection dans ce que l'on montre au public ? C'est ce que les caricaturistes danois à l'origine de la polémique de 2005 tentent de rejeter. Ils soulignent d'une part leur liberté d'expression mais vont plus en ce sens qu'ils violent les codes de la religion musulmane en représentant humainement le prophète. Il est fortement probable que la règle de représentation eût été semblable dans la religion d'Etat danoise, ces journalistes n'auraient pas publié de telles images. [...]
[...] C'est ainsi déléguer le pouvoir propre de l'individu à une autorité supérieure. Il y a de même souvent, face à l'image, à la représentation, un phénomène d'abandon de l'interprétation propre, pour en nourrir une générale qui véhiculera alors certaines valeurs et notions. Les individus acceptent en somme une sorte de représentation stéréotypée qui aura valeur de loi pour la communauté. Ce phénomène est particulièrement sensible dans la signalétique du Code de la route par exemple : le danger signalé par un point d'exclamation ne fait autorité sur l'esprit humain que par convention, et pourtant le pouvoir de cette image n'en est pas moins diminué. [...]
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