C'est souvent dans l'attitude de refus, refus de l'oppression ou de l'injustice en général, que la liberté de l'individu s'atteste de façon exemplaire. Les résistants, pendant la Seconde Guerre mondiale, témoignent par exemple de ce pouvoir de refuser qui fait la dignité de l'existence humaine. Mais ce pouvoir de refuser permet-il, de manière suffisante et essentielle, de définir la liberté ? Que s'agit-il de refuser au juste ? Par ailleurs, le refus est une caractérisation négative, qui n'offre pas véritablement d'orientation dans l'action. D'où le problème suivant : à définir la liberté comme pouvoir de refuser, ne risque-t-on pas de s'interdire toute action, et de suspendre la volonté dans un atermoiement vain ? Il s'agit donc de penser la pertinence et les limites de cette définition de la liberté pour en saisir la valeur réelle (...)
[...] Celle-ci peut en effet être conçue comme autonomie du sujet, c'est-à-dire selon Kant, comme fait d'agir selon la représentation d'une loi que le sujet s'impose à lui- même. Le devoir fournit une orientation positive, universelle et nécessaire à l'action libre. C'est à partir de cette définition de la liberté comme autonomie que l'on peut saisir le caractère fondamental du pouvoir de refuser : l'action libre et autonome est en effet celle qui parvient à s'arracher aux déterminations sensibles qui lui sont pathologiques. Si donc la liberté se caractérise par un pouvoir de refuser, c'est donc celui de refuser ces déterminations contraires au devoir. [...]
[...] La liberté se définit donc ici comme pouvoir de refuser, parce qu'elle nie cela même qui tente de la nier : la liberté est négation de tout ce qui la nie. En outre, ce pouvoir de refuser fait peut-être la valeur et la dignité de la liberté humaine. C'est en effet dans la force du refus que se révèle la puissance de la liberté face à la contrainte extérieure. En refusant et en résistant, quitte à ce que ce soit au péril de sa vie, l'individu fait montre d'un courage qui force l'admiration. [...]
[...] Car l'affirmation de la possibilité de refuser ne permet pas pour autant de penser de manière positive la liberté comme orientation dans l'action Non, la liberté ne se définit pas comme un pouvoir de refuser A. L'attitude de refus abandonne la volonté dans l'atermoiement et l'absence d'action Le pouvoir de refuser, même l'évidence, signalé par Descartes est moins une définition de la liberté que la description d'une caractéristique propre. Ce pouvoir de refuser est certes infini, mais, comme tel, il n'a aucun pouvoir au sens où il ne nous donne aucune capacité de produire ou d'agir sur notre situation. [...]
[...] La liberté s'atteste en effet davantage dans ses réalisations concrètes que dans le refus d'agir. Ce pouvoir d'action obéit avant tout à une nécessité. En effet, la conduite de la vie affronte sans cesse l'urgence de l'action : il nous faut donc nous résoudre à agir, quand bien même cette résolution est difficile à prendre. Le pouvoir de refuser est ici moins le signe de la liberté que son écueil. L'homme libre et responsable est celui qui parvient à repousser le refus, le doute et l'atermoiement pour s'engager efficacement dans l'action. [...]
[...] Là encore, c'est le devoir qui permet de fonder ce pouvoir comme tel. En effet, l'efficacité du pouvoir de refuser commandé par le devoir est prouvée indirectement, à partir de la conscience que nous avons de notre devoir. Ce devoir est en effet l'expression de la raison pratique. Or celle-ci ne peut se contredire lorsqu'elle commande impérativement une action : si la raison dit : tu dois ; elle dit en même temps : tu peux Le pouvoir de refuser les sollicitations pathologiques qui se présentent à nous est donc réel, et l'homme a le pouvoir de refuser et de s'arracher au torrent de la nécessité (Critique de la raison pratique). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture