Le verbe obéir suppose un rapport d'autorité entre celui qui commande et celui qui se soumet. Nous pouvons obéir à l'autorité d'un parent, d'un professeur ou d'un patron par exemple, mais nous devons surtout obéir aux lois de l'Etat et c'est à ce type de lois que notre sujet fait référence. Le pluriel de la notion de loi indique en effet qu'il s'agit de l'état de droit d'un Etat à un moment donné, c'est-à-dire l'ensemble des prescriptions qui permettent d'encadrer et de stabiliser les relations entre les hommes. C'est précisément par le médium de ces prescriptions que le pouvoir de l'Etat s'exerce. A première vue, ces prescriptions semblent contraignantes et affecter notre liberté. En effet, nous pouvons constater la tension qui existe entre l'autonomie du citoyen et les prétentions normatives des lois (...)
[...] Socrate, en faisant parler les lois, s'emploie à convaincre Criton qu'il y aurait grande injustice à quitter sa prison sans l'accord des Athéniens. Les lois lui demandent par exemple : Dis-moi, Socrate, que vas-tu faire ? L'action que tu entreprends a-t-elle d'autre but que de nous détruire, nous qui sommes les lois, et avec nous l'Etat tout entier Ne pas obéir les lois revient donc à détruire la cohésion sociale et à jeter le discrédit sur elle. Socrate se fait donc l'avocat inconditionnel de l'obéissance aux lois. Toutefois ce plaidoyer va à l'obéissance au régime lui-même plus qu'au détail de ses directives. [...]
[...] Quand nous obéissons aux lois, nous manifestons notre capacité de faire des choix. Il faut parfois faire des efforts et obéir à des lois qui nous paraissent imparfaites ou injustes afin de ne pas miner l'autorité de l'Etat et ne pas affaiblir la cohésion sociale. Toutefois, nous pouvons toujours exercer notre liberté de citoyen en exerçant notre esprit critique et dénoncer ce qui ne va pas dans les lois qu'on nous propose. Nous obéissons aux lois pour réaliser notre liberté et s'il faut savoir obéir à des lois imparfaites, il faut également savoir désobéir à des lois inhumaines. [...]
[...] Toute loi est l'écho plus ou moins lointain de la volonté divine. Autrement dit, entre la loi de l'univers et la loi humaine positive l'analogie est féconde : la loi humaine imite quelque chose de la loi divine, parce que son statut rationnel rappelle celui de la loi divine. Toutefois, à partir du XVIème siècle, le pouvoir spirituel commence à s'affaiblir et de nombreux penseurs affirment l'autonomie du politique par rapport au religieux. C'est le cas de Jean Bodin, qui dans les Six livres de la République, travaille à définir ce qu'est la souveraineté de l'Etat et tend à autonomiser la politique. [...]
[...] Ce tournant est capital pour la philosophie politique en ce qu'il va induire un déplacement de la légitimité politique de Dieu vers la raison et l'individu en tant qu'être rationnel. Les premières tentatives de construire un droit rationnel et de présenter l'individu comme source de la légitimité n'apparaissent que plus tard, mais elles doivent beaucoup au tournant cartésien. Il est intéressant de remarquer que ce désenchantement du monde ne provoque pas de désenchantement du droit. Le caractère sacré dont bénéficiait le droit ne faiblit pas. [...]
[...] La notion d'obéissance était au centre du procès Papon, à qui il était reproché de ne pas avoir su désobéir au régime de Vichy. Pour sa défense, il avait fait valoir qu'il n'était alors qu'un simple fonctionnaire, contrait d'obéir aux ordres de ses fonctionnaires. Il est certain que l'imperfection des lois ne peut pas faire un argument pour les refuser. Mais il ne faut pas être aveugle au contenu inadmissible d'une loi . Il ne faut pas se contenter de subir les ordres donnés par les lois. [...]
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