Si ici on nous demande pourquoi on peut comparer le vivant à une machine, ce qui est présupposé c'est qu'une telle comparaison a déjà eu lieu (en philosophie comme en biologie) et n'est donc pas de l'ordre de la science-fiction. N'importe quel élève qui a eu un cours de terminale a dû entendre parler de Descartes et de sa théorie mécaniste qui rapproche le corps des automates. Pour autant, malgré le prestige de l'auteur du cogito, une telle comparaison ne va pas de soi puisqu'on nous interroge sur sa pertinence. Mais il est capital de noter qu'une comparaison peut signifier trois choses fort distinctes (...)
[...] Mais depuis, notamment grâce à l'apparition de machines informatisées, n'a-t-on pas partiellement répondu à cette critique ? Certains processus électroniques ne permettent-ils pas de détecter des failles dans un système et d'activer une réaction appropriée, un peu comme le fait un antivirus qui diagnostique un disque dur et repère les éventuels problèmes qu'il peut automatiquement éradiquer s'il est conçu pour le faire. Certes, il a fallu pour cela qu'un logiciel soit installé sur l'ordinateur, mais cette installation n'est-elle pas comparable à ce que mon génome - comme programme - me permet d'utiliser dans mon propre corps ? [...]
[...] La pensée de Descartes (Passions de l'âme, 1649) ne se veut pas réductrice mais initiatrice d'une rationalisation du vivant propice à sa maîtrise. Mais comme Canguilhem le notait judicieusement, cette pensée ne doit pas être à sens unique: si l'on compare le vivant à la machine, ce n'est pas seulement pour améliorer notre connaissance des corps biologiques, mais c'est aussi pour faire évoluer notre maîtrise des inventions techniques : en filigrane, il est possible de souligner tous les progrès que ces dernières ont faits à partir d'une meilleure connaissance des fonctionnalités du corps. [...]
[...] Pourquoi comparer le vivant à une machine? Les sujets introduits par pourquoi» ne doivent pas inciter à répondre par un catalogue de raisons (toutes introduites par un parce que encore moins de théories (Mécanisme, Finalisme, Matérialisme, etc.), même si un tel défilé récitatif serait éventuellement juste par rapport à un cours donné. Avant tout, il faut ici dégager le problème de l'énoncé et s'y tenir. Si ici on nous demande pourquoi on peut comparer le vivant à une machine, ce qui est présupposé c'est qu'une telle comparaison a déjà eu lieu (en philosophie comme en biologie) et n'est donc pas de l'ordre de la science-fiction. [...]
[...] Au contraire, comme Canguilhem le rappela encore, l'anomalie ou l'anormalité ne sont ni toujours réparables ni toujours à considérer comme des formes court- circuitées de la vie: la pathologie ou les formes différentes» de vivant (ex. la trisomie) ne sont pas des échecs de la nature ni des monstres, c'est-à-dire des machines difformes, mais des êtres à part entière qui méritent le respect parce que la vie implique une dignité qui s'est retrouvée si horriblement bafouée par les expérimentations nazies de Mengele et consort. [...]
[...] L'ADN ne détermine pas toutes les fonctions du vivant de façon innée. La nature n'est pas un atelier dans lequel toutes les pièces ont été conçues pour jouer un rôle bien fixé. Comme Darwin le montrera d'une façon qui dérange encore, les lois biologiques sont en grande partie baignées par un puissant jeu hasardeux, la survie ou l'évolution elles-mêmes n'étant pas le résultat d'un calcul arrêté d'avance mais surtout d'une sorte de partie de poker où l'aléatoire de la réussite se dispute aux risques de l'échec. [...]
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