Finitude, immortalisation, extrême souffrance, temporalité propre, être-homme, fuite, caractéristiques essentielles, temps vécu
En effet, eu égard à « l'homme », parler de sa finitude revient à mettre l'accent sur le fait que celle-ci soit une caractéristique lui étant essentielle ; la finitude est le mode d'être, par définition permanent, de tout humain : nul humain ne peut être immortel, omniscient, tout-puissant, etc. ; nul humain ne peut stricto sensu échapper à sa mortalité, au caractère limité de son savoir, etc. De la sorte, échapper à la finitude qui nous est essentielle apparait spontanément comme une contradiction logique : l'homme ne pourrait échapper à sa finitude en restant homme – échapper à sa finitude signifierait, pour l'homme, n'être plus homme.
[...] En d'autres termes : cette attitude toute humaine consistant à fuir sa finitude empêche l'homme de vivre et de se vivre comme homme - comme un étant dont l'horizon est irrémédiablement borné. - Mais « l'échapper » à notre essentielle finitude est-il épuisé par de telles fuites de notre finitude ? N'y a-t-il pas d'autres « échappatoires » à cette dernière ? Des échappatoires plus positives, qui ne soient pas négativement apparentées à des « fuites » ? C'est là ce que nous voudrions désormais tenter de penser. [...]
[...] Est-il possible à l'homme d'échapper à sa finitude ? Le possible est une catégorie modale signifiant « ce qui peut être » ou « ce qui n'implique pas contradiction » ; il peut s'entendre subjectivement (renvoyer à un possible eu égard à un tiers seulement) ou objectivement (renvoyer à un possible qui vaudrait dans tous les cas ou, plus localement, pour tous les humains). Ces deux acceptions du possible peuvent elles-mêmes s'entendre chacune en deux sens : comme possibilité de jure, ou comme possibilité de facto - par exemple, il est factuellement impossible à ce jour, quoique logiquement non-contradictoire, que je me rende sur Mars. [...]
[...] D'autres voies d'investigation semblent cependant exister : peut-être, en effet - et aussi bien est-ce là précisément une possibilité à interroger - , l'homme pourrait-il échapper à sa finitude sans que pour autant celle-ci cesse d'être l'un de ses attributs essentiels : de la même façon, par exemple, qu'un tiers peut échapper à ses soucis par une foule diverse de moyens sans que pour autant lesdits soucis, comme tels, disparaissent. Dans de tels cas, l'homme qui échapperait à sa finitude s'apparenterait peut-être à une sorte de sur-homme, ou de sous-homme - ne pourrait plus être un homme seulement, bien qu'il le serait encore ou par ailleurs en tant simplement qu'il est en vie. Tout cela, cependant, doit être interrogé plus avant. [...]
[...] Aidons-nous, pour ce faire, de déclarations d'Antonin Artaud. Ce dernier décrivit ainsi son « état de douleur suprême », un état où « les choses [sont une] succession de douleurs conscientes » - ou « les choses », autrement dit, « sont un éternel - perpétuel présent » : sont une « douleur perpétuelle » qui figure l'éternité : « Depuis une éternité, déclara-t-il encore à Jean Verdier, je souffre ». Or, et c'est là un paradoxe qui pourtant nous servira de critère pour identifier « extrême » de la souffrance, si une telle épreuve du souffrir abolit le temps en tant que tel, il ôte encore « le temps de souffrir ». [...]
[...] Ces rapports sont multiples (et comparatifs) : la finitude de l'humain tient au fait qu'il doive mourir, ne soit pas immortel (ce qui n'est pas le cas des dieux ou de Dieu) - au fait que ses facultés, de connaître par exemple, soient limitées (par opposition à l'omniscience divine) - ou au fait encore, plus généralement et dans une perspective plutôt chrétienne, selon lequel l'homme est privé de perfection, est soumis à toutes sortes de vicissitudes, etc. Partant, une grave tension émerge. En effet, eu égard à « l'homme », parler de sa finitude revient à mettre l'accent sur le fait que celle-ci soit une caractéristique lui étant essentielle ; la finitude est le mode d'être, par définition permanent, de tout humain : nul humain ne peut être immortel, omniscient, tout-puissant, etc. ; nul humain ne peut stricto sensu échapper à sa mortalité, au caractère limité de son savoir, etc. [...]
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