Popper propose ici une politique pragmatique, qui se préoccupe de traiter les situations et insuffisances concrètes et actuelles, et refuse l'idéal lointain d'une société parfaite. Méfiance à l'égard de toute conception messianique qui sacrifie les hommes actuels au nom de l'idéal (qui n'est qu'un « bien abstrait »).
En conséquence, le « bonheur » (sa définition aussi bien que celle des moyens pour y parvenir) ne relève pas de la politique rationnelle, et sa recherche appartient au domaine privé (...)
[...] Déjà Platon, pour assurer à sa République une justice durable, envisage la nécessité d'une séparation rigoureuse des groupes sociaux, et complémentairement celle de truquer les liens entre ces groupes : le mensonge organisé par l'État ferait-il nécessairement partie de toute politique attelée à la réalisation de l'idéal ? Il faut reconnaître que les exemples historiques récents invitent à l'admettre LE BONHEUR EST UNE AFFAIRE PRIVEE Il faut alors en déduire que la définition du bonheur, comme celle des moyens d'y parvenir et de le maintenir, ne doit pas appartenir à la politique. Cette question est d'un autre ordre conclut clairement Popper : elle relève seulement du domaine privé. [...]
[...] Et il est plus rapide d'établir un accord au terme d'un débat éclairé que d'entreprendre de passer par toutes les étapes qui mèneront à la société entièrement bonne L'ATTIRANCE POUR L'IDEAL Popper ne nie pas que la vision d'une société entièrement bonne puisse être séduisante. Il évoque au contraire la force du sentiment d'obligation qu'une telle vision nous inspire, ce qui confère au projet idéal une portée morale. Cependant, il ne faut pas en déduire que la mission du politique consisterait à donner corps à cette vision ou à en faire découvrir la beauté à autrui. Cette vision est d'ailleurs qualifiée imaginaire : elle ne correspond qu'à une image et non à une réalité. [...]
[...] Il resterait à préciser par quels moyens on peut garantir le respect du domaine privé par le politique, à moins de prouver qu'il n'existe pas, dans le politique, une tendance à toujours dépasser ce qui est de sa stricte compétence. [...]
[...] Ainsi sera maintenue une sphère privée, échappant par définition à son contrôle, et où chacun pourra, entre autres initiatives, choisir les moyens de trouver son propre bonheur. Le politique, ainsi limité au traitement des problèmes sociaux et collectifs qui peuvent être abordés sans que soit pris en compte le projet d'une société parfaite, a pour tâche d'apporter un secours aux hommes du présent, c'est-à-dire de faire en sorte que les conditions de l'existence en commun soient globalement acceptables, et s'il entreprend d'aller au-delà, il risque de devenir dangereux. [...]
[...] De Platon à Marx, les modèles ne manquent pas dans ce domaine. Pourtant, on peut se demander si ces constructions ambitieuses ne négligent pas ce qui pourrait être la tâche première de la politique : qu'elle s'occupe des hommes réels, de leur existence au présent, et qu'elle les guérisse de leurs maux, sans nécessairement se préoccuper de réaliser la perfection. C'est en tout cas ce qu'affirme ici Karl Popper, qui ne craint pas de considérer que toute ambition trop lointaine risque en fait de sacrifier les générations actuelles, et en déduit que le bonheur, précisément par ce qu'il suppose de plénitude, relève, non pas du politique, mais du domaine privé Le concret et l'abstrait SUPPRIMER DES MAUX REELS Dès le début du texte, Popper met en opposition maux concrets et bien abstrait ce dernier étant synonyme d'un bonheur instauré par des moyens politiques. [...]
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