Machiavel, partant du constat que l'homme est "ingrat, changeant, simulateur et dissimulateur", soutient que pour gouverner celui-ci, il ne faut pas hésiter à user des mêmes moyens que lui, immoraux. Comme le veut l'adage, "toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire", et cela s'applique particulièrement à la politique, on le constate quotidiennement sur des faits et paroles maladroites qui font basculer les sondages inconstants : il n'y a qu'à voir les revirements qui ont lieu lors des campagnes présidentielles (...)
[...] La définition est révélatrice : elle rappelle que la morale a un caractère purement théorique et qu'elle se réfère à l'"action humaine", c'est-à-dire qu'elle est nécessairement porteuse d'un facteur de subjectivité propre à l'homme, facteur que l'on retrouve dans l'évocation de son but final, le "bien". Car qu'est-ce que bien, sinon une valeur propre à chacun, et changeante selon la situation de chacun et de son époque ? Cependant, nous ne nous intéresserons pas ici à toutes les déclinaisons du "bien" en fonction des sociétés, mais plutôt au fait que de toute façon, toute morale recherche le "bien", quel qu'il soit. [...]
[...] Lorsque, par exemple, les régimes totalitaires brûlent tous les livres et sélectionnent ceux qui peuvent être lus pour aller dans leur sens, ils enlèvent aux hommes une arme morale ; lorsque, au contraire, un régime politique favorise l'éducation pour tous et l'ouverture à des textes de grands penseurs, il permet une extension morale. La morale est alors une sorte de luxe déterminé par la condition des sujets, et donc par la politique, et il y a un lien direct entre ces deux "valeurs". La politique, dans son action concrète, constitue des lois. [...]
[...] Rousseau affirmait dans l'Émile : "ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n'entendront jamais rien à aucune des deux." Cela condense ce que l'on a dit : effectivement, les rapports entre politique et morale sont très complexes, car les deux s'entremêlent et tendent à former un "tout" inséparable, la morale étant nécessaire à la politique puisque étant son inspiration, et constituant une condition nécessaire d'existence à celle-ci en apparence au moins, car une politique explicitement immorale ne peut pas durer et la politique étant nécessaire à la morale pour que celle-ci puisse s'étendre et s'élaborer. [...]
[...] En cela, on peut donc dire que "politique" et "morale" n'ont "rien à voir" : ce sont des valeurs incomparables. Et si l'on suit l'analyse de Machiavel dans Le prince, elles ne sont pas seulement incomparables mais également antagonistes. Machiavel admet que la morale et la politique puissent avoir le même dessein, le "bien" ; mais en revanche, il ne conçoit pas que l'on puisse établir le Bien par le bien, car l'homme qui n'userait pas de subterfuges ne serait pas respecté et perdrait son pouvoir. [...]
[...] Et il est vrai que dans la pratique, la politique a souvent été immorale. Elle est pratiquée par des êtres humains, alors que comme Rousseau le dit, il faudrait qu'elle soit pratiquée par des Dieux : les hommes sont corruptibles, tournés sur eux-mêmes, peuvent "préférer la destruction du monde entier à une égratignure de [leur] doigt" (expression humienne), et il n'est pas étonnant que certains gouvernants aient pu privilégier leur intérêt à celui de leurs gouvernés. Toutefois, on se rend compte que même quand les desseins de la politique sont absolument hors de toute morale, les gouvernants trouvent toujours le moyen de justifier leurs actes comme s'ils étaient moraux : la politique, si elle veut fonctionner, doit avoir l'air morale, car autrement le peuple ne suivrait pas. [...]
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