Dans L'Esprit des Lois, Montesquieu déclare en substance que tout homme qui a du pouvoir tend nécessairement à en abuser (Livre XI, chapitre 4). Ce faisant, il met l'accent sur la tentation irrépressible qu'aurait tout homme détenteur de ne serait-ce qu'une parcelle de pouvoir à vouloir accroître inexorablement sa propre puissance. Tout se passe comme s'il glissait sur une mauvaise pente, une pente dangereuse condamnant par là-même la vie en société et les organes, les institutions qui la couronnent à n'être qu'un combat incessant pour détenir le plus de pouvoir possible, aux dépens d'autrui le plus souvent... Ce pouvoir peut d'ailleurs englober des réalités multiples, allant de la possession des rênes de l'Etat lui-même à la défense de ses propres intérêts individuels à un niveau plus modeste ; mais toujours la notion de pouvoir renvoie à l'ambition de maximiser tels ou tels intérêts, qu'ils soient personnels ou collectifs. En ce sens, la société serait un monde cousu de rapports de force où la seule perceptive de la concorde semblerait utopique, tout être aspirant de fait à conquérir ou conserver le pouvoir à son avantage, dans une perspective par conséquent foncièrement inégalitaire. Cette lutte se déploierait à plusieurs niveaux, eu égard à la polysémie du terme « politique » : d'une part, une lutte, une rivalité des hommes politiques entre eux, au sommet de l'Etat, par rapport à l'exercice du pouvoir ; d'autre part, une lutte des hommes entre eux, dans la vie collective. De plus, les membres de la société et les hommes politiques entretiennent des liens complexes, oscillant entre conciliation et antagonisme. Si l'on considère que tout homme ? politique ou non ? tend par définition à tirer la situation à son avantage et donc à dominer, sous diverses formes, ses semblables, il convient cependant de s'interroger sur la fin, les modalités et l'essence du politique et de la politique, sphère parcourue de tensions contradictoires et multiples par excellence, au confluent des intérêts publics et privés.
Toute politique n'est-elle qu'une lutte pour le pouvoir ? (...)
[...] Ainsi que le suggérait Kant, dans son Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmologique, l'insociable sociabilité de l'homme, à savoir son penchant à s'associer, et sa grande propension à se détacher et à vouloir tout diriger dans son sens (on retrouve ici le motif de la volonté de puissance, du pouvoir) peut s'avérer féconde. En effet, la contradiction inhérente à la nature humaine peut fort bien être à l'origine de progrès, assurer le développement de la société et des talents de l'homme. [...]
[...] De fait, remarque Tocqueville, la démocratie se caractérise par un principe fondamental, l'égalité, qui est à la fois un état et une quête, celle de l'égalisation croissante des conditions Légalité entraine progressivement la disparition des devoirs, d'où le développement d'un individualisme et d'un conformisme généralisé. De fait, depuis la naissance des sociétés, celles-ci sont tenues, rendues viables par l'influence qu'exerce chaque membre les uns sur les autres. Or, précisément, la tendance de la démocratie est, selon Tocqueville, la séparation : aussi dissout-il sournoisement le lien social, qui se fragilise de plus en plus, si bien que chacun se replie peu à peu dans la sphère strictement privée, ce qui entraîne l'atomisation de la société et la démission de tous. [...]
[...] A cet aspect statique, institutionnel se greffe une dimension dynamique. De fait, tout citoyen se portera vers l'un ou l'autre pouvoir et en deviendra le partisan (le pouvoir, par sa nature même, attire inévitablement), en espérant en tirer des avantages. Selon Montesquieu, la société se régulera ainsi d'elle-même, et il n'y a guère de risque, globalement, que l'un des deux pouvoirs soit par trop favorisé et écrase l'autre. En effet, chaque citoyen a un double intérêt : d'une part, il espère que le pouvoir serve ses intérêts ; et d'autre part, il espère que la politique ne pèse pas trop sur la société (ce qui créé un risque d'aliénation). [...]
[...] Philosophie Prépa littéraire Toute politique n'est-elle qu'une lutte pour le pouvoir ? INTRODUCTION Dans L'Esprit des Lois, Montesquieu déclare en substance que tout homme qui a du pouvoir tend nécessairement à en abuser (Livre XI, chapitre 4). Ce faisant, il met l'accent sur la tentation irrépressible qu'aurait tout homme détenteur de ne serait-ce qu'une parcelle de pouvoir à vouloir accroitre inexorablement sa propre puissance. Tout se passe comme s'il glissait sur une mauvaise pente, une pente dangereuse condamnant par là- même la vie en société et les organes, les institutions qui la couronnent à n'être qu'un combat incessant pour détenir le plus de pouvoir possible, aux dépens d'autrui le plus souvent Ce pouvoir peut d'ailleurs englober des réalités multiples, allant de la possession des rênes de l'Etat lui- même à la défense de ses propres intérêts individuels à un niveau plus modeste ; mais toujours la notion de pouvoir renvoie à l'ambition de maximiser tels ou tels intérêts, qu'ils soient personnels ou collectifs. [...]
[...] Pour ce faire, il existe différents remèdes en quelque sorte, remèdes qui tiennent autant à un état d'esprit particulier qu'à un agencement bien précis du pouvoir politique (celui-ci étant de fait toujours menacé de se muer en lutte). La raison doit tout d'abord prendre autant que possible le pas sur les passions. Cette raison législatrice distingue ainsi trois types de pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) se résumant en fait plutôt à deux, le pouvoir judiciaire restant en effet dans l'ombre si les deux autres pouvoirs sont distincts. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir (De l'Esprit des lois, livre XI, chapitre 2). [...]
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