Selon Joseph de Maistre : « Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu des Français, des Italiens, des Russes, etc. Je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan : mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie ; s'il existe, c'est bien à mon insu ». Ce constat pessimiste laisse entendre que les hommes ne peuvent être unis dans une même appellation en raison des différences culturelles. On peut en effet penser de prime abord que des cultures plurielles sont génératrices de discordes. Mais la dénomination de l'Homme n'est-elle qu'un mot vide de sens ? La question qui mérite d'être posée est de savoir si la pluralité des cultures est un obstacle à l'unité du genre humain, c'est-à-dire s'il n'y a pas d'incompatibilité entre la pluralité et l'unité, qui se présente ici comme une exigence et un devoir-être au nom duquel il faudrait éventuellement réviser cette pluralité qui semble de prime abord gênante.
La formulation du sujet autour du mot « obstacle » à connotation négative nous amène à comprendre tout d'abord la pluralité comme une source de divergences, qui s'oppose ainsi à l'unité. Mais encore faut-il s'entendre sur le sens d'unité, qui suggère avant tout l'harmonie. Or cette harmonie implique-t-elle forcément l'uniformité ou peut-elle exister au-delà des différences ?
[...] Mais encore faut-il s'entendre sur le sens d'unité, qui suggère avant tout l'harmonie. Or cette harmonie implique-t-elle forcément l'uniformité ou peut-elle exister au- delà des différences ? La pluralité des cultures semble ainsi d'ores et déjà recouvrir deux facettes, l'une négative en tant que source de conflits, et l'autre positive en tant que source d'enrichissement. L'unité est-elle ainsi un socle préalable pour lequel toute pluralité représente une division, ou bien au contraire est-elle le résultat d'une harmonie de ces cultures plurielles ? [...]
[...] Or l'art est inextricablement lié à la philosophie, qui lui donne tout son sens et toute sa valeur. Et la philosophie a pour objectif d'aimer la multiplicité des cultures comme autant de sources, et de puiser en elles à la fois la rationalité et la spiritualité qui permettent aux hommes de se comprendre, de s'apprécier, de fraterniser, enfin de donner un sens de plus en plus riche à la vie et au mot sagesse. La philosophie est donc la culture au-delà des cultures, et qui tout comme l'art, n'a pas de patrie. [...]
[...] Descartes affirme en effet : Je pense donc je suis ce qui suppose que la raison est partagée par tous les hommes. On peut mettre en parallèle le travail raisonnable d'un individu sur lui-même avec celui d'une culture sur elle- même : tout comme les hommes se doivent de réaliser leur propre humanité, les cultures se doivent de réaliser leur unité au-delà des différences. L'homme, et par là-même l'humanité, progressent en fin de compte dans la difficulté parce qu'elle contraint à l'effort. [...]
[...] On peut ainsi conclure qu'une nouvelle forme de sociabilité naît des guerres : l'obstacle initial de la pluralité des cultures est donc transformé en un moyen pour parvenir à l'unité du genre humain. La ruse de la nature qui consiste à recombiner les systèmes fermés des différentes cultures en conflit l'une contre l'autre en une nouvelle forme d'association de systèmes ouverts, nous invite à donner un sens aux guerres et aux génocides dans l'histoire de l'évolution humaine. C'est pourquoi il faut envisager le progrès de l'homme dans la succession infinie des générations : nous sommes des nains montés sur des épaules de géants comme le déclare Pascal. [...]
[...] Mais cette unification des cultures ne représente-elle pas un danger ? On peut présenter l'unification des cultures comme le recours devant les défauts qui résultent de leur pluralité. Dans le champ du langage, par exemple, on peut déplorer la multiplicité des langues qui rend la communication difficile : les langues sont imparfaites en cela que plusieurs comme le disait Mallarmé. Et l'idée d'une langue universelle qui unirait les hommes, comme par exemple l'espéranto autour de la Première Guerre Mondiale, est souvent motivée par un idéal réel de fraternité et d'unité. [...]
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