Le texte définit des acteurs : les amis du savoir, autrement dit ceux qu'on appelle généralement les philosophes. Mais il le fait en utilisant une expression qui explicite le terme : philo, comme familiarité, amour, amitié, sophie, comme sagesse, savoir. Le philosophe n'est pas celui qui possède la sagesse (ce serait alors un sage), il est celui qui, en tant qu'ami du savoir, s'en approche. Le texte définit d'ailleurs, dès le début, un rapport au savoir : il n'est pas un fait d'appropriation qui se marquerait positivement par une phrase du type : l'ami du savoir sait que... (...)
[...] Seule l'activité de l'âme, en tant que telle, permet d'accéder au vrai, a contrario de toute entreprise de connaissance qui ferait confiance au corps. L'objet que connaît le corps ne peut être tenu pour vrai La distinction de l'âme et du corps (et les deux figures qu'elle engendre, l'âme liée au corps, ou bien l'âme déliée du corps), fonde donc deux démarches de connaissance. Une démarche qui, fondée sur le corps, ne produit que fausseté ; une démarche qui, fondée sur l'âme, produit la vérité (plus exactement, en fonction de la théorie de la réminiscence, retrouve le vrai, conçu comme dévoilement). [...]
[...] Cette interrogation parcourt l'œuvre de Platon. L'hypothèse de son immortalité est posée dans l'Apologie de Socrate (vers - 390) : la mort est comme un passage d'ici-bas dans un autre lieu ( . ) peut-on imaginer un plus grand bien. A plusieurs reprises (dans le Gorgias, et avec le mythe d'Er, rapporté à la fin de La République) Platon décrit l'âme devant les juges de l'autre monde jusqu'à affirmer sa croyance dans la métempsychose. Dans le Phèdre, c'est l'âme inengendrée et immortelle qui est principe du mouvement du monde tandis que dans le Timée c'est l'univers tout entier qui est composé d'une âme et d'un corps. [...]
[...] Les termes employés conviendraient à ce que nous entendons aujourd'hui par la prière : le recueillement, la concentration sur soi, l'isolement. Mais ces termes, au temps de Platon, correspondent sans doute à des techniques du corps telles qu'elles étaient utilisées par des gymnosophistes que Platon a pu rencontrer lors de ses voyages. Toujours est-il qu'en se concentrant sur l'âme ne se fier qu'à elle- même») la philosophie dissout peu à peu la fonctionnalité du corps. Non seulement l'âme finit par être déliée du corps, mais de celui-ci Platon ne parle plus. Il est abandonné. Toute matérialité est vaine. [...]
[...] Platon, Phédon. 82d - 83b. Les amis du savoir n'ignorent pas ceci : quand la philosophie a pris possession de leur âme, cette dernière était étroitement liée au corps et collée a lui ; elle était contrainte de voir les réalités pour ainsi dire à travers les barreaux d'une prison constituée par son corps au lieu de le faire par ses propres moyens et à travers elle-même, et elle se vautrait dans une ignorance absolue. La philosophie a bien saisi l'étonnant caractère de cette prison : elle est l'œuvre du désir, en sorte que celui- là même qui est attaché a toutes chances de contribuer de la manière la plus efficace a sa propre captivité. [...]
[...] Enfin, d'emblée, le texte définit un moment privilégié : celui du passage d'un état à un autre, moment de transition qui, plus fondamentalement, assure une rupture Quand la philosophie a pris possession Quant à l'idée de prise de possession elle marque à la fois la notion d'un combat, avec un terrain à prendre (celui de l'âme) et celle de la soudaineté, liée à une transe religieuse (ce qui s'entendrait comme un ravissement). Ces acteurs, ce rapport au savoir, ce moment ne se comprennent que sur le fond de la conception platonicienne des rapports entre l'âme et le corps, décrite dans la toute première partie Tout est rapporté du point de vue de l'âme et de la contrainte que représente pour elle le corps. Contrainte décrite paradoxalement en termes physiques (malgré le caractère immatériel de l'âme) : l'âme liée au corps, collée à lui. [...]
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