Les plaintes d'un Icare, les fleurs du mal, Charles Baudelaire, étude du poème, l'élévation, la chute, le châtiment, ouvrage, mythologie, symbolisme
Lorsqu'on me propose d'étudier un ouvrage littéraire quelconque traitant de la Bible, je pense immédiatement «mysticisme» et, étant une fervente lectrice de la poésie du XIXe siècle, je ne peux que répondre : Baudelaire, dont la religion et la piété ont été — et sont encore — controversées. Cependant, son recueil des Fleurs du Mal, en plus de faire partie de mes lectures favorites, est indiscutablement empreint de références bibliques et mystiques, que ce soit par les épisodes traités, le lexique employé ou encore la forme poétique choisie. D'ailleurs, dès sa première publication en 1857, l'auteur s'est attiré les foudres du corps religieux : certains poèmes ont été condamnés et retirés de l'ouvrage pour leur immoralité. C'est donc qu'il touche de près ou de loin au texte sacré, ce qui justifie la présente étude. L'ouvrage est d'une richesse considérable : une diversité qui s'étend au fil des rééditions de 1861, 1866 et 1868, puisque l'on voit apparaître et se développer «l'architecture secrète» et six parties qui dressent les leitmotivs baudelairiens, tels que l'ennui, l'évasion, la ville, la volupté, la rébellion ou encore la mort.
[...] Dans le cas de Ixion, c'est sa luxure, en premier lieu, qui est punie. Dans le mythe, il est infidèle ; dans le poème, Baudelaire emploie des termes charnels : « amants » et « étreint ». Il manie la métaphore, car nous pouvons même considérer que les astres sont une métaphore filée des femmes, séduisantes et attirantes comme la lumière. Il en est puni, nous le voyons — et rappelons-le — par le groupe prépositionnel « pour avoir ». Et quel châtiment alors ? L'aveuglement, symbole de la naïveté, pour avoir osé regarder si haut, pour avoir osé séduire plus noble que sa condition, pour s'être pris pour un Dieu. [...]
[...] Ce sont deux hommes téméraires, qui passent les limites, qui s'élèvent avec la prétentieuse ambition d'atteindre, de conquérir le monde divin, et qui en sont punis, en étant renvoyés sur terre, plus ou moins brutalement. Ce sont des figures emblématiques de l'Idéal et du Spleen, de l'aspiration et de la déception, et du désir qui vole en éclats. En plus de cette association d'idées, le poète renouvelle le mythe en l‘actualisant, en le rendant plus lyrique et même plus élégiaque, plus baudelairien. [...]
[...] Les Plaintes d'un Icare - Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire (1858) UFR Lettres, Langues, Sciences humaines et sociales M2 Littératures et langages - Bible et Littérature, M. ATTALA Année universitaire 2016-2017 Carlo Saraceni, La Chute d'Icare huile sur toile, 34x54 cm, Musée national de Capodimonte Les amants des prostituées Sont heureux, dispos et repus ; Quant à moi, mes bras sont rompus Pour avoir étreint des nuées. C'est grâce aux astres nonpareils, Qui tout au fond du ciel flamboient, Que mes yeux consumés ne voient Que des souvenirs de soleils. [...]
[...] Tout est vaporeux et impalpable. L'infini est une image typiquement littéraire et poétique pour représenter le haut, le ciel, la divinité et le mystique, tout comme la lumière, qui est également présente ici, à travers l'image des flammes (avec « flamboient »), des astres (« soleils ») et à travers les sens, particulièrement la vue (« mes yeux », « voient » et « œil »). La lumière se montre même aveuglante et douloureuse. Elle est porteuse de l'ambivalence baudelairienne : elle est un guide, un but pour nos personnages, puisque le verbe « flamboient » fait écho au flambeau et donc à une sorte de prophète, mais elle se métamorphose en feu qui « consume » et « brûle ». [...]
[...] Un corps brisé, une lumière brûlante qui mène au gouffre, voilà les circonstances de la chute. Une douleur qui se lit dans l'allitération en des vers 3 et 4 (« mes bras rompus pour avoir étreint des nuées ») et au vers 12, constitué principalement de termes monosyllabiques, à l'exception du terme « aile », alors mis en évidence. Ils perdent même leurs sens : le toucher, par l'image des bras, et les yeux, qui perdent leur rôle, où la négation restrictive du vers 7 « ne voient que » suivi de « souvenirs de soleil » indique la progression de la destruction, de l'aveuglement, et de la chute, car « souvenirs » peut faire également référence à l'éloignement au soleil, au rapprochement du sol et donc, à la descente. [...]
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