Le temps consacré au travail et celui consacré au jeu sont socialement dissociés. Il est possible de s'amuser en travaillant mais peut-on jouer en travaillant ? Une première contrariété s'impose dès que l'on prend en compte le « sujet » du travail : un même sujet ne peut pas en même temps s'adonner à deux activités. L'une nous apparaît comme un effort pénible et contraint, même pénible parce que contraint alors que l'autre se donne comme désirable, en tant qu'elle est plaisante et libre. On peut donc admettre de se fatiguer beaucoup en jouant tout simplement parce qu'on a choisi d'entrer dans le jeu. Il semble donc que de l'un à l'autre, la contrariété tient à la présence ou à l'absence de liberté : le jeu serait libre, le travail contraint. Il nous est possible de concevoir la devise d'Auschwitz comme une absurdité, et de ne plus croire que la liberté soit dans le travail lui-même. Pourtant l'absence de travail (chômage) semble ôter jusqu'au goût du jeu. La perte de sens de (...)
[...] Pourtant l'absence de travail (chômage) semble ôter jusqu'au goût du jeu. La perte de sens de l'existence, l'angoisse . font voir que l'absence de travail n'ouvre pas l'aire d'un temps tout entier consacré au plaisir du jeu. Tout se passe comme si le travail n'est pas ce qui empêche le jeu mais ce qui le rend possible; s'il en est ainsi, le jeu ne serait pas l'autre ou le contraire du travail, la compensation, l'espace de liberté opposé à la contrainte mais la finalité même du travail. [...]
[...] La détente serait elle plutôt ontologique? En effet, revenons au travail. Plutôt que de contrainte il est plus juste de parler d'obligation: la contrainte m'est toujours imposée par un autre . alors que c'est toujours plus ou moins moi qui m'oblige. La contrainte est donc différente de l'obligation; cette dernière est une promesse, qu'on peut ne pas tenir. Il n'empêche que les normes du travail ne sont jamais intégralement décidées par les agents du travail. Le travail ne peut pas être une instance de réelle autonomie, c'est à dire être soi-même auteur de la loi. [...]
[...] De celui de la contrainte? On a déjà suggéré que non. De la nécessité? Peut être, mais en quel sens? Est-il nécessaire de jouer? Un jeu rendu nécessaire ne relève t-il pas de la servitude? Travail et jeu seraient-ils alors deux manières différentes pour un même asservissement? I la contrainte est au travail ce que la liberté est au jeu. Les notions de pénible et de punition, que l'on peut assigner au travail, s'opposent à celles de désirable et de récompense, relatives au jeu. [...]
[...] Pour Alain, ce qui fait le jeu c'est la passion de l'espérance, une incertitude par rapport à l'à-venir qui nous fait croire que nos désirs pourront se réaliser, peut être même sans peine. Le travail emploie le temps, le comble alors que l'espérance l'ouvre. S'il y a le jeu c'est parce que le travail ne comble pas l'espérance. Il ne peut tout de même pas se faire sans espoir: le laboureur ne peut pas semer sans espoir de récolte mais les produits du travail sont toujours décevants. Mais qu'espérons nous? Quel est le ressort de l'espoir? C'est le désir. [...]
[...] Oui, mais pourquoi vouloir jouer, se fatiguer au jeu et non se reposer? N'y a t-il pas un troisième terme? Le repos est-il le jeu comme repos en tant que restauration, retour à soi? Pourquoi faire quelque chose, pourquoi faut- il un changement d'activité. Sommes nous déterminés à toujours faire quelque chose? Si oui,cela voudrait dire que nous soyons déterminés à jouer et alors ce que nous prenions pour de la liberté dans le jeu ne serait qu'une illusion! Nous sommes périodiquement déterminés à travailler et à jouer. [...]
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