Temps de travail et temps libre apparaissent immédiatement comme deux contraires. Un temps ne peut pas être en même temps temps de travail et temps libre. La question est donc légitime car deux contraires ne peuvent être condition l'un de l'autre. Une autre question se pose alors : sans du temps passé au travail, serait-il possible d'être libre ? Répondre oui semble l'évidence. En effet, le travail est un moyen pour obtenir des biens utiles. Sans biens utiles, il semble impossible de jouir d'un temps libre, c'est à dire soumis à aucune contrainte. Nous n'aurions rien à faire de ce temps libre. Contradictoirement, le temps consacré au travail, temps du travail, peut-être celui de l'effort et de la fatigue, poussée à cette limite qu'elle rend incapable de jouir d'un temps libre (...)
[...] C'est ici le premier modèle de temps nécessaire pour jouir d'un temps libre, semble t-il. Un second modèle pourrait être celui du pianiste: il fait ses gammes tous les jours. Sans cela, ses doigts ne seront jamais assez souples pour jouer, ensuite, librement. Il y a ici nécessité, qui, assumée, rend puissant. Est-ce que le temps du travail est comparable à ces deux temps? Ni l'un ni l'autre n'étant temps libres, ou jouissance de liberté ils sont temps de la nécessité. [...]
[...] Il semble donc que sans travail, le temps pour soi n'existerait pas. C'est donc d'une véritable réflexion sur la finitude humaine qu'il s'agit: on observe la manière avec laquelle en l'homme se combine le temps et l'éternité, le fini et l'infini: c'est à dire cette tendance à dépasser toujours le temps sous un désir d'éternité. Le concept de travail de négatif que nous avons précédemment évoqué corrobore cette idée de finitude de l'homme. C'est en tant que l'homme est un être fini qu'il a à travailler. [...]
[...] Le temps du travail chez Hésiode est marqué par les cadrans solaires, qui n'indiquent que quatre jours par an! Il s'agissait bien chez Hésiode de l'épreuve de la patience. L'horloge apparaît comme l'élément essentiel au capitalisme industriel. Le chronomètre est emblématique du capitalisme fordien. L'OST suppose nécessairement un chronomètre. Sous la loi du marché, le travail tend à être comptabilisé de la façon la plus fine possible. C'est la division du travail qui rend possible l'augmentation de la productivité, expression de la réduction du temps du travail au temps de travail. [...]
[...] La réponse à ces questions suppose que l'on comprenne en quels sens le travail est nécessaire. A supposer que le temps du travail soit le temps de la nécessité, c'est à dire celui qui nous assigne à la nécessité, comment peut-il être nécessaire à la jouissance d'un temps libre? Est-ce en nous libérant d'un fardeau? Ou en nous conférant une puissance? Le temps consacré au travail est-il ce temps de la nécessité au sens où il est nécessaire de faire le ménage? [...]
[...] Baudrillard pose des questions similaires: est-ce que le fait de travailler empêche celui qui travaille de devenir libre? Est-ce que la liberté n'est pas seulement pour celui qui oeuvre? Est-ce qu'un devenir libre est possible? La seconde question escamotée est celle du désir. En disant que le travail relève de la nécessité, on l'assigne au besoin, et parallèlement on assigne l'oeuvre au désir. Le travail est donné comme processus pour obtenir les moyens de satisfaction des besoins. Mais le corps humain se satisfait de donnés naturels! [...]
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