Rousseau affirme que la volonté générale ne fait qu'exprimer la voix de la raison et c'est lui qui a le plus nettement affirmé que la loi est contraignante et c'est ce par quoi la liberté est rendue possible "c'est à la loi seule que les hommes doivent la justice et la liberté, c'est cet organe salutaire de la volonté de tous qui rétablit dans le droit, l'égalité naturelle entre les hommes". En fait, pourquoi serait-il raisonnable de désobéir à la loi puisque la raison nous pousserait plutôt à lui obéir ?
[...] Le fait qu'il désobéisse à la loi (qui est ici surtout une loi morale: une règle, une obligation, une "contrainte" qui, sans être édictée par un législateur, s'impose à un individu dans son comportement) se justifie par le souci du médecin de ne pas faire souffrir psychologiquement son malade. En fait, c'est parce qu'il veut respecter le malade qu'il transgresse la loi. Mais évidemment, inconsciemment, nous pouvons dire que le médecin ne veut pas souffrir en voyant souffrir son malade, sentiment correspondant ici à la pitié. Il y a en fait deux causes de l'obéissance: une cause sensible du fait de l'existence d'un mobile et une cause morale du fait de l'existence d'un motif. [...]
[...] Mais dans l'absolu, il n'est jamais raisonnable de désobéir à la loi et c'est ce que nous allons voir maintenant. A travers la loi, ce n'est pas la volonté du "dirigeant" qui doit s'exprimer, mais la raison humaine qui, au-delà des lois politiques et civiles, doit avoir une valeur d'universalité. En fait, la loi exprime l'intérêt commun (qui est l'intérêt de la raison qui normalement doit être présent chez tous). La loi permet de renoncer à l'intérêt particulier qui est l'intérêt personnel, individuel (c'est l'égoïsme, les passions, les désirs, les penchants). [...]
[...] Pour Antigone, il y a une injustice et c'est pour cela qu'elle désobéit. C'est donc selon sa propre raison qu'elle "viole" la loi. La loi morale est nécessaire, elle pourrait être la seule car chaque individu sait ce qui est juste et bien. Mais l'homme est moralement faible, c'est-à-dire qu'il n'arrive pas à faire le bien, il a donc besoin d'une autorité extérieure pour le contraindre, pour le remettre dans le droit chemin. La loi civile se justifie par les contraintes qu'elles imposent. [...]
[...] Donc en réalité, il n'est jamais raisonnable de désobéir à la loi. Pour conclure, nous venons de voir dans quelles conditions, dans quelles circonstances les individus désobéissent à la loi et que de toute manière, en réalité, il n'est jamais raisonnable de désobéir à la loi. En fait, les individus, s'ils enfreignent la loi, c'est souvent car ils font primer leurs sentiments, leurs passions, "leur" raison c'est-à-dire leur intérêt personnel. Pour eux, évidemment cela a été un choix raisonnable mais pas pour la conscience morale c'est-à-dire les autres. [...]
[...] Ne peut-il exister une solution plus raisonnable? Cependant, nous pouvons trouver des solutions, par exemple, les lois peuvent être modifiées par ceux qui représentent la volonté générale, c'est- à-dire qui exprime la voix de la raison. Mais serait-il possible que la volonté générale soit représentée par des consciences aliénées et donc avec une raison que l'on pourrait qualifier de fausses? Des régimes qui énoncent des lois non universalisables (alors qu'une des caractéristiques de la loi est qu'elle est universelle) en fonction de leurs principes qui sont, pourrait-on dire, "rationnellement" et moralement inacceptables (nous parlons des régimes totalitaires qui punissent la population sous prétexte de sa non-conformité aux critères de la société) ne peuvent être admis par des personnes dignes de bon sens, et dans ce cas- là, désobéir est la seule façon de sauver sa propre raison, celle qui dicte le bien. [...]
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