"Celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime t-il ? Non, car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne fera qu'il ne l'aimera plus. Et si l'on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi s'il n'est ni dans le corps ni dans l'âme ?"
Le fragment 323 des Pensées de B. Pascal rend très clairement compte du caractère énigmatique du moi : si le moi est irréductible à mes qualités morales ou intellectuelles, s'il perdure indépendamment de mes transformations physiques, qu'est-il donc ? Une illusion ? du langage ou du psychisme ? (...)
[...] La connaissance de soi révèle donc d'une quête inachevable, puisque seule la mort fige notre existence en une essence définitive. Ainsi, ce qui apparaît au point de départ comme un obstacle déterminant à une connaissance exacte de soi, se transforme finalement en un formidable instrument de connaissance de soi. Si l'homme est originellement ignorant de lui-même, mais disait St Augustin, c'est ce qu'il n'est pas son propre créateur : seul Dieu peut connaître parfaitement ce dont il est l'auteur. Or Sartre inverse totalement cette analyse : l'Homme n'est pas constitué originellement par une essence (une nature, une identité première) qu'il devrait s'efforcer, tant bien que mal, de découvrir au fil du temps mais il est lui-même le créateur de son identité tout au long de son existence identité qu'il forge à travers ses choix, ses décisions, ses réactions aux événements. [...]
[...] L'explication scientifique constitue donc une réponse exacte dans la mesure où elle satisfait aux exigences d'objectivité rendues possibles par la nature même de l'objet à connaître. Au contraire, la compréhension désigne le mode de connaissance propre aux sciences de l'homme caractérisé par l'indistinction (l'homogénéité) du sujet connaissant et de l' objet à connaître cette indistinction rendant impossible l'idéal d'objectivité (d' exactitude propre à l'explication scientifique. Dans le prolongement de cette analyse, le philosophe Paul Ricoeur désigne la connaissance de l'humain et au premier plan la connaissance de soi par soi par le terme d'herméneutique : du grec herméneïa : l'art d'interpréter ( les présages, les songes ).L'idée d'interprétation retient en effet la part de subjectivité irréductible constitutive de l' objet à connaître (le soi) subjectivité qui rejaillit sur a nature même que la connaissance que l'on peut en prendre et intègre en même temps l'idée que cette connaissance est pas figée, définitive, immuable et universelle, dans la mesure où elle porte sur un objet qui est lui-même fondamentalement singulier, évolutif et protéiforme Le moi ne pouvant être assimilé à une substance figée et immuable, la connaissance que l'on est susceptible d'en avoir ne saurait consister en une définition définitive ! [...]
[...] Est-il envisageable d'appliquer au moi une telle démarche ? N'est-ce pas incompatible (contradictoire) avec son statut de sujet ? Au cours de notre argumentation, nous nous efforcerons de démêler les éléments de cette problématique en montrant tout d'abord que la question qui suis-je peut relever de perspectives assez radicalement différentes ; puis nous mettrons en évidence l'impossibilité d'appliquer au moi-sujet une démarche analytique conçue pour des objets ; enfin nous nuancerons notre critique en montrant que le moi peut, dans une certaine mesure et sans conditions être appréhendé. [...]
[...] L'évidence immédiate de soi n'est-elle pas illusoire et trompeuse ? Le fait est que mes propres réactions peuvent me suspendre, voire me sidérer ; j'éprouve parfois le sentiment de ne pas me comprendre, de ne plus me reconnaître, comme si se révélait, à travers certaines réactions, une part inconnue ou nouvelle de nous-mêmes Deux références o M.Proust, Un amour de Swann : Swann, amoureux et maladivement jaloux d'une femme qui n'était même pas son genre ne comprend pas ses réactions à l'antithèse de ce qu'il a toujours été jusque là. [...]
[...] La question qui suis-je »admet-elle une réponse exacte ? Celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime t-il ? Non, car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne fera qu'il ne l'aimera plus. Et si l'on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime- t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. [...]
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