« Je l'ai vu de mes propre yeux » dit-on pour affirmer l'existence d'un événement dont on a été le témoin. La réalité est d'abord, pour moi, ce qui est constaté, c'est à dire perçu par mes sens. Qui pourrait nier l'existence des choses que l'on peut voir, entendre, toucher, sentir, goûter ? Mais, pourtant, je sais bien aussi que mes sens peuvent me tromper. La moindre illusion d'optique me fait croire en l'existence de choses ou d'événements qui n'existent pas ! La science n'a-t-elle pas cessé de se battre contre les évidences sensibles top facilement acceptées ? La terre est ronde et elle tourne autour du soleil, et pourtant je ne le constate pas ! Si je ne peux certes pas me passer de mes sens, ne dois-je pas aussi, et surtout m'en méfier ? Puis-je faire confiance à mes sens ?
L'idée première que l'on trouve dans le latin « sensus » (« action de sentir, d'éprouver une sensation ») est celle de la fonction qui permet à un être vivant de se rapporter à ce qui se passe en dehors de lui. Or la réflexion philosophique s'est très tôt interrogée sur la fiabilité de nos sensations : nous permettent-elles de percevoir la réalité telle qu'elle est ? Ou, au contraire, nous plongent-elles dans l'illusion, nous faisant prendre des apparences pour le réel ? Faudrait-il alors rechercher le réel en dehors et au-delà de la perception sensible ?
Les sens sont-ils dignes de « confiance » (ce mot vient du latin « fides », qui donnera « foi » et « fidélité ») ? La confiance, c'est ce qui s'oppose au « doute ». Or nous savons que dans l'histoire de la pensée, la question du doute a été cruciale. Les sceptiques considéraient que la seule attitude possible face à l'incertitude de nos connaissance était la suspension de tout jugement. Y a-t-il ou non un socle indubitable (= inaccessible au doute) sur lequel on puisse assurer les connaissances ? (...)
[...] Les sceptiques considéraient que la seule attitude possible face à l'incertitude de nos connaissance était la suspension de tout jugement. Y a-t-il ou non un socle indubitable inaccessible au doute) sur lequel on puisse assurer les connaissances? Nos sens apportent indéniablement certains renseignements sur la réalité. Mais, il paraît tout aussi assuré qu'en certains cas il est nécessaire de les dépasser. Faut-il les prendre tels qu'ils sont et les considérer comme la seule source acceptable de nos connaissances ou faut-il impitoyablement les rejeter comme on récuse de faux témoins? [...]
[...] L'extraordinaire fécondité des mathématiques, qui aboutissent à des vérités par la seule force du raisonnement, prouve la puissance de l'esprit capable de se hausse vers l'universel et le nécessaire. Et en physique, il ne suffit pas d'enregistrer les phénomène pour les connaître, encore faut-il les expliquer. Cependant, les rationalistes, d'ils vont jusqu'au bout de leur logique, ne risquent-ils pas de construire une connaissance purement a priori, totalement déconnectée de l'expérience sensible? En fait, l'Empirisme et le Rationalisme oublient chacun une partie du problème de la connaissance. L'Empirisme ne tient pas compte du rôle de la raison dans le savoir. [...]
[...] Mais, pourtant, je sais bien aussi que mes sens peuvent me tromper. La moindre illusion d'optique me fait croire en l'existence de choses ou d'événements qui n'existent pas ! La science n'a-t-elle pas cessé de se battre contre les évidences sensibles top facilement acceptées ? La terre est ronde et elle tourne autour du soleil, et pourtant je ne le constate pas ! Si je ne peux certes pas me passer de mes sens, ne dois-je pas aussi, et surtout m'en méfier? Puis-je faire confiance à mes sens? [...]
[...] Comme le fait remarquer Emmanuel Kant : d'un point de vue chronologique, nulle connaissance ne précède en nous l'expérience et c'est avec celle-ci que toute connaissance commence. Autrement dit, le premier connu c'est le senti. Partant de ce constat, certains ont considéré que l'origine de toutes nos connaissances réside dans le rapport sensible avec la réalité l'expérience). Ainsi pour Épicure, toute connaissance se résume à un choc d'atomes ; les corps laissent échapper à chaque instant une infinitésimale pellicule atomique, qui constitue ce qu'il appelle un simulacre image) de lui même. De même, selon les Empiristes, il n'existe que du donné sensible. [...]
[...] Mes sens me mettent certes en rapport avec le monde extérieur, mais celui-ci passe nécessairement par leur filtre. Ma perception ne sera jamais la même que celle d'un autre homme et elle est encore plus éloignée de celle d'un autre animal. Je dois donc utiliser mes sens en leur accordant suffisamment de confiance pour ne pas tomer dans la folie et en m'en défiant suffisamment pour ne pas tomber dans l'illusion. Comme le montre amplement l'histoire de la science, le réel est davantage construit que constaté. Et cette construction ne cessera jamais. [...]
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