La notion de liberté intérieure semble d'abord renvoyer à une expérience commune et fruste de la pensée ou de la subjectivité qui, en son for intérieur, se conçoit comme indépendance, c'est-à-dire capacité de se déprendre des contraintes extérieures et d'agir en vertu d'une causalité purement interne au sujet. Ainsi la liberté intérieure désignerait-elle, en premier lieu, par opposition au monde des choses et des nécessités, cet espace intime que le sujet se donne ou découvre lorsqu'il croit tout bonnement faire ...
[...] Et ce n'est qu'avec une critique serrée du libre arbitre qu'il est à nouveau loisible de définir la liberté dont le problème est posé d'une toute autre manière. La question : "peut-on parler d'une liberté intérieure devient alors une question biaisée qui nous invite à pratiquer un dualisme stérile opposant l'intérieur et l'extérieur, la volonté et la nécessité, le sujet et le monde. En effet, le même Spinoza fonde l'accès à la liberté sur la connaissance rationnelle du Désir en chacun et de l'essence individuelle. [...]
[...] nous invite alors à méditer ce paradoxe d'une liberté qui se donne simultanément à penser sur le mode de la clôture ou de la forclusion, où le sujet ne se pense et ne se vit que dans un mouvement de retrait par rapport à la réalité extérieure, et sur celui de l'ouverture ou de la transcendance, où le même sujet se fonde, se définit et se construit dans un contact dialectique avec ce qui n'est pas lui. Peut-on penser la " liberté intérieure " comme la liberté par excellence, comme la liberté authentique ? La notion de liberté intérieure n'est-elle pas éminemment contradictoire ? [...]
[...] La volonté est conçue comme infinie et elle est posée à la fois comme libre arbitre et comme faculté de vouloir. Comment, du coup, ne pas réitérer, dans cette définition neuve de la liberté intérieure, la définition liminaire d'une liberté comme absence de contraintes et simple spontanéité ? Comment ne pas réduire la liberté intérieure à une indétermination de la volonté qui pourrait être considérée soit comme un pouvoir d'agir sans motif (synonyme d'indifférence), soit comme pouvoir créateur auquel le déterminisme est inapplicable ? [...]
[...] La distinction que nous venons d'opérer, qui suggère que l'on ne pourrait pas tant parler de liberté intérieure que de libre arbitre, nous amène à formuler une question de taille que nous aurons à examiner et à résoudre par la suite : si l'idée stoïcienne d'une liberté intérieure tend à faire du sujet la source de toute évaluation, comment ne pas rabattre une théorie de l'action sur une théorie de la connaissance ou de la représentation, et penser véritablement l'investissement de l'homme dans le monde ? Autrement dit, parler d'une liberté intérieure, n'est-ce pas s'interdire toute réflexion sur l'histoire et la politique ? [...]
[...] La notion de liberté intérieure figurerait en quelque sorte une idéologie inventée pour justifier l'inaction stoïcienne. Ce que pointe Hegel, dans la liberté intérieure des stoïciens, et qui s'avère capital pour notre propos, c'est l'opposition abstraite de la pensée et du monde, de la contemplation et de l'action. Ce qui permet à Hegel de souligner que l'on ne peut pas parler de liberté purement intérieure, indépendamment des conditions réelles d'existence, précisément parce que l'homme est négativité, action, transformation du monde. [...]
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