Notre objectif est de réexaminer le sens de la notion de liberté chez Levinas. Certes, la liberté n'est pas l'idée centrale dans sa philosophie. C'est la « responsabilité » en deçà de la liberté qui caractérise l'analyse de la subjectivité dans sa pensée, et la liberté demeure une notion secondaire. Nous remarquons facilement que la liberté est « mise en question » (TI, 80) à travers ses deux oeuvres principales, Totalité et infini (1961) et Autrement qu'être ou au-delà de l'essence (1974). Elle n'est que « la liberté finie, qui n'est pas première, qui n'est pas initiale » (AE, 197-198). En fait, la question de la liberté traitée dans Totalité et infini et de la notion de « liberté finie » dans Autrement qu'être ou au-delà de l'essence serait assez impressionnante pour ceux qui trouvent le sens de l'humanité dans la liberté de l'homme, car la mise en question de la liberté s'oppose à la tradition de la philosophie occidentale depuis 17ème siècle, dans laquelle la liberté a joué un rôle primordial.
Alors, comment pouvons-nous parler de la mise en question de la liberté ? Et pouvons-nous parler de la liberté positivement dans la pensée de Levinas ? Ce sont nos questions principales. Face à celles-ci, nous admettons que la portée de « liberté » dans sa pensée est assez exceptionnelle. Certes, Levinas ne voulait pas dévaloriser la valeur de la liberté que les philosophes modernes avaient établie. Seulement, il vise à aller au de-là ou en deçà?l' « au-delà » se tourne à l'« en deçà » tant qu'il revient à l'« extériorité » hors de la limitation? de l'origine où nous pouvons parler de la liberté des actes, du libre arbitre, de la liberté de conscience, et de la liberté dans le fait d'exister, en deçà de l'origine où il s'agit de la moindre liberté.
Le germe de la réflexion sur la mise en question de la liberté ou la liberté finie apparaît dans sa pensée avant sa captivité. Levinas l'a développé jusqu'à la parution de sa première oeuvre principale en 1961, et il l'a radicalisée surtout dans son second livre principal paru en 1974. Nous examinons ici ses premières études, De l'évasion (1935/36), paru après l'avènement de l'hitlérisme, et Liberté et commandement (1953), texte écrit après la parution de l'article intitulé « L'ontologie est-elle fondamentale ? » (1951) connu pour sa critique sévère contre Heidegger (...)
[...] Alors, qu'est-ce que signifie l'expérience pure de l'être pur à laquelle la liberté humaine s'oppose ? À l'instar de Heidegger, Levinas décrit la relation entre l'être et l'étant comme un sentiment Le conflit entre l'être et l'homme apparaît en tant que mal d'être ou nausée distingué de l'angoisse. Le mal d'être c'est un refus de demeurer 78) ou encore c'est un effort de sortir d'une situation intenable (ibid.). C'est aussi un sentiment d'être étranger par rapport au monde du sujet qui sent qu'il est étranger. [...]
[...] Biblio-essais Levinas écrit à l'époque de sa captivité (1940-1945) que la liberté, c'est aller où l'on veut Levinas Carnets de captivité et autres inédits, Berbard Grasser / IMEC p Aussi, il commence à penser au rapport entre la responsabilité et la liberté à cette époque-là. Liberté impliquant responsabilité est liberté mpliquant responsabilité— est liberté à l'égard des autres— liberté excluant responsabilité— liberté à l'égard de soi Ibid., p Première publication dans Recherches philosophiques, p. 373-392. Repris sous forme de livre (avec une longue introduction de J. Rolland) chez Fata Morgana en 1982. Première publication dans Revue de Métaphysique et de Morale, juillet-septembre, p. [...]
[...] En effet, Levinas a bien apprécié Heidegger pour l'idée de la différence ontologique en tant qu'« effectivité (Faktizität) qui définit l'existence humaine (EDHH, 99) : L'originalité de Heidegger consiste précisément à maintenir avec une netteté jamais en défaut, cette distinction. L'être de l'étant est l'« objet de l'ontologie (EDHH Souligné par Levinas). Aux yeux de Levinas, l'idée de la différence ontologique semblait dépasser l'intellectualisme (l'empirisme et l'idéalisme) qui n'arrive pas à interpréter cette effectivité. Sans doute, le commencement de la philosophie lévinassienne dans sa jeunesse s'inscrivait dans la question du sens de l'être. [...]
[...] En effet, Levinas parle du refus avant qu'il s'agisse d'émettre un ordre. La liberté du refus se distingue du respect de l'autre liberté, car elle n'est pas un pouvoir constitutif, elle ne propose rien contre ceux qui veulent faire obéir. La liberté de refus reste non-violente alors qu'elle institue le rapport humain. Sans constituer l'ordre, la liberté du refus suspend la force violente. C'est cette possibilité de refuser qui met en question la liberté du ce qui veut disposer des autres hommes. [...]
[...] Pourtant, c'est la rencontre avec l'Autre qui se situe au commencement de la liberté ou la conscience du sujet. C'est pourquoi nous avons considéré la liberté dont nous avons parlée en tant que pré-condition de la liberté, et que nous soulignons que les actes libres du sujet ne sont pas inhibés par notre analyse de la liberté qui commence par l'impossibilité de la liberté. En réalité, le sujet ne peut pas discuter sa fermeture si celui-ci renferme toujours sur lui, car, le sujet enfermé ne peut pas s'observer du dehors. [...]
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