Lorsque nous parlons d'expérience intérieure, nous opérons encore une distinction au moins implicite entre deux formes d'expérience. D'une part, nous nous détachons des perceptions que nous recevons par l'influence du monde sur les organes de nos sens, de ces stimuli que nous pourrions nommer l'expérience externe. D'autre part, nous insistons sur la vie de la conscience, dont les différents états (les émotions, les croyances, le plaisir et la douleur par exemple) ne correspondent de façon nécessaire à une perception donnée. Lorsque nous disons « vivre une expérience intérieure », nous mettons l'accent sur la richesse de notre moi par rapport aux simples données de l'expérience externe (...)
[...] Il est ainsi contingent que l'auteur des Méditations métaphysiques soit assis devant son poêle pour entreprendre l'exercice du doute méthodique, mais l'expérience intérieure que cet exercice représente peut être effectuée par n'importe quel autre sujet indépendamment de sa position contingente dans l'espace. L'expérience intérieure entretient donc un rapport intime privilégié avec son auteur. Ainsi, dans le concept d' expérience intérieure l'adjectif intérieure insiste sur l'impact que le réel joue sur notre moi. Nous sommes des êtres vivant dans l'espace et dans le temps et nous ne pouvons pas nous passer des données du réel, c'est-à-dire des données sensibles. [...]
[...] Il vit en chaque instant des expériences intérieures qui n'appartiennent qu'à lui. Qu'est qu'une «expérience intérieure et d'où tire-t-elle son origine ? Nous serions tentés dans un premier temps, d'opposer le concept d' expérience intérieure à celui d' expérience extérieure Mais ces deux types d'expériences sont loin d'être aussi différentes que l'on pourrait le supposer. Le commun admet, sur la foi des sens, que le monde matériel est moins douteux, plus facile à connaître que les états du sujet. Pour lui, la réalité des corps s'impose avec une évidence immédiate ; les objets qui se voient, s'entendent, se palpent, qui résistent à l'effort et pèsent dans la main, déterminent tous nos états de conscience. [...]
[...] Chacune de nos expériences intérieures tire son origine de la sensibilité. Toutefois, pour Descartes cela ne semble pas aussi évident. En effet, comme il l'écrit en titre de la deuxième méditation, l'âme est plus aisée à connaître que le corps parce qu'elle est saisie sans intermédiaire, par un simple acte d'intuition invincible par le sceptique. Avant même d'affirmer une réalité matérielle qui apparaît aux sens, le philosophe prend d'abord conscience de lui-même, et se convainc que l'existence qui se pose au premier instant, antérieurement à toute autre, est la pensée. [...]
[...] Les expériences intérieures jouent donc un rôle capital dans l'affirmation et la construction de notre moi. C'est ainsi que certains de nos actes ou de nos croyances ne peuvent être compris de façon satisfaisante par le seul rôle que les sens jouent sur notre psychisme. Si les soldats des tranchées avaient tous vécu la même guerre, ce qui est bien le cas du point de vue matériel, comment expliquer des témoignages aussi divergents que les ouvrages pacifistes d'un Maurice Genevoix et ceux belliqueux d'un Ernst Jünger ? [...]
[...] Toutefois, nous avons tous des expériences intérieures particulières qui nous sont propres et qui constituent toute la richesse de notre moi. En effet, nous sommes des êtres sensibles et le réel a bien un impact sur nous. Toutes les sensations que nous expérimentons au cours de notre vie mettent en branle un processus psychologique complexe : nous interprétons tous différemment, nous avons des caractères, des goûts, un niveau de sensibilité, qui nous sont propres. Chacun connaît donc des expériences intérieures particulières, celles-ci formant le caractère original de son moi. [...]
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