L'Electre de Giraudoux a une grande soif de vérité, et c'est au nom de cette dernière qu'elle fait ressurgir toutes les haines et toutes les fautes enfouies. La vérité, qui nous sort de l'ignorance et du mensonge et qui est souvent difficile à trouver se révèle se révèle être le but ultime de l'héroïne de la pièce ; c'est pour elle un besoin presque vital et qui aura des conséquences dramatiques.
A qui profitera-t-elle alors ? Elle est, pour Electre, un objet d'envie, de désir, mais cette vérité qu'elle recherche à tout prix est-elle réellement désirable au sens où elle serait souhaitable pour les autres ? La vérité est-elle toujours désirable ? Quelles vérités peuvent l'être ? Il est en effet différent de découvrir que la Terre est ronde ou, comme la jeune fille mise en scène par le dramaturge, de découvrir qui a tué son père.
Il serait alors intéressant de rechercher dans quels cas elle peut être désirable ou non sur un plan moral, puis sur un plan psychologique, et à partir de cette analyse, de se demander ce qui nous pousse à nous accrocher à cette vérité.
I] La vérité désirable d'un point de vue moral ?
La vérité apparaît comme la base de la relation aux autres, la base de la confiance. C'est elle qui nous permet des rapports francs avec autrui, elle nous permet de ne pas nous cacher sans cesse et nous permettrait, si tout le monde la disait, d'évoluer en société sans devoir constamment se demander où sont le vrai et le faux. Il est cependant parfois difficile de la dire : « dire la vérité est utile à celui à qui ont la dit et désavantageux à ceux qui la disent parce qu'ils se font haïr » affirmait Pascal ; signaler à autrui qu'il se détruit en se droguant peut en effet lui rendre service et l'amener à réagir, mais aussi le pousser à nous en vouloir.
La vérité peut ainsi être un bien pour certains et un mal pour d'autres. Ceci peut également être illustré par les vérités historiques. La Turquie refuse de l'admettre en ne reconnaissant pas le génocide arménien, cela serait reconnaître une faute, un crime, et ne serait pas honorant pour le pays. Le peuple arménien, lui, en revanche, aurait besoin d'être considéré comme victime par le pays coupable d'avoir voulu l'exterminer. Bien que douloureuse à entendre, cette vérité pourrait ainsi être source de soulagement et redonner à son peuple son vrai statut. Le danger à éviter serait alors de ne pas se servir, de ne pas profiter de ce type de vérité, de ne pas dire « j'ai été victime, j'ai été persécuté, je le sais donc je m'autorise à être bourreau à mon tour pour me venger ».
Il semble en outre parfois complexe de savoir s'il faut ou non dire la vérité et cela peut poser un véritable problème de conscience et d'éthique. Faut-il dire à un malade atteint d'une maladie incurable qu'il va mourir ? Est-il pour lui souhaitable de connaître la vérité ? Veut-il l'entendre ? Certains pourraient l'accepter et, grâce à elle, se préparer à la mort et essayer de vivre le mieux possible le temps qu'il leur reste, elle leur serait donc désirable au sens où elle leur serait profitable. D'autres, au contraire, pourraient ne pas la supporter, elle pourrait leur inspirer de la peur, du désespoir, ils pourraient même la refuser, la nier. La réaction à de telles annonces, qu'il est moralement difficile de cacher, dépend de chacun de nous ; une même vérité peut ainsi, selon les personnes, apparaître ou non comme désirable. (...)
[...] C'est ce que, dans une autre dimension, souligne Platon avec l'allégorie de la caverne : l'homme qui vit enfermé et qui ne voir que des ombres, symbolisant l'ignorance, aura peur en voyant pour la première fois le soleil, symbolisant la vérité, mais ne pourra plus, par la suite, s'en passer, il préférerait tout souffrir plutôt que de revivre sa vie passée Nous souhaitons la vérité disait Pascal, mais trop de vérité ne risque-t-il pas d'être nuisible ? Les tyrans s'affirment en effet comme détenteurs de toutes les vérités, mais de quelles vérités parlent-ils ? Leur vérité est-elle nécessairement celle des autres ? [...]
[...] Difficilement accessible, elle est souvent un objet de désir mais elle peut être nuisible pour celui qui la dit et douloureuse pour celui qui la reçoit, ce qui le poussera alors parfois à vouloir la fuir. Elle est cependant ce qui nous permet de comprendre le monde, de nous comprendre nous-même, ce qui nous permet de sortir de l'ignorance et de nous réaliser en tant qu'être ; elle n'est pas toujours désirable dans la mesure où nous ne voulons pas toujours la connaître, mais elle l'est en revanche dans le sens où elle nous est bénéfique, à condition que nous soyons prêts à l'entendre. [...]
[...] Une autre difficulté apparaît également : il semble impossible de tout connaître d'autrui, et la vérité ne nous serait alors que partiellement accessible, il resterait donc toujours une part d'inconnu, d'incompréhensible aussi : on peut connaître des vérités sur autrui dont le sens nous échappe. Tout ce qui n'est pas moi est incompréhensible écrivait Aragon : on peut accéder à des vérités sans en percevoir le sens ou la profondeur réelle, or, y a-t-il un intérêt à les connaître si on ne parvient à les comprendre ? III] Le besoin de la vérité. Pourquoi continuons-nous malgré tout à rechercher la vérité ? Peut- être avant tout parce qu'elle nous sort de l'ignorance. [...]
[...] Il la considérait comme un bien souverain, mais il est parfois impossible d'éviter les erreurs. Son caractère inaccessible peut ainsi lui donner un aspect repoussant, mais également susciter le désir: l'homme désire en effet ce qu'il n'a pas et ce qui lui échappe, mais, à trop la désirer, ne risque-t-on pas de se fixer sur une vérité qui nous semblera une et universelle, d'en être aveuglé et ainsi d'en devenir esclave ? CONCLUSION Ainsi la vérité semble-t-elle être le plus souvent un besoin chez l'homme. [...]
[...] II] La vérité désirable d'un point de vue psychologique ? Vivre dans l'erreur ou le mensonge peut donc être rassurant. La vérité nous enlève en effet une part de nos illusions, elle nous oblige à voir les choses en face, et choisir de la fuir peut alors apparaître comme une protection, refuser de voir une expérience douloureuse peut nous aider à moins en souffrir, la refuser et en nier l'importance et la gravité dans l'inconscient peut être un moyen de survie. [...]
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