Il n'est pas rare que l'on nous prie de prendre conscience du réel, ou d'être réalistes, ce qui suppose que le réel nous serait facilement accessible. Cet accès nous est-il simplement fourni par nos perceptions ? Il faudrait, pour cela, que le réel ne soit rien de plus que du sensible. Or, si telle peut bien être notre impression lorsque nous avons à résoudre de simples situations pratiques ou quotidiennes, une réflexion sur les fondements de ces situations peut au contraire amener à penser que, du double point de vue métaphysique et scientifique, le réel est loin de se limiter à un ensemble d'éléments perçus (...)
[...] Par définition en quelque sorte, le concept est métaphysique, c'est-à-dire au-delà du perçu constituant la nature Ce n'est pas en multipliant les perceptions d'objets qualifiés de beaux que je pourrai parvenir à définir la notion universelle de beauté, puisqu'une telle perception est en droit interminable. C'est donc au contraire si je connais d'abord la beauté en elle-même, dans son universalité, que je pourrai ensuite en reconnaître les effets ou les échos dans certains objets sensibles. Faute de cette définition préalable, la diversité des objets sera toujours un facteur d'égarement. [...]
[...] Ce que je perçois définit mon réel présent et détermine mes réactions. Il en va de même dans toutes les situations qui composent l'existence ordinaire, et cet empirisme élémentaire me permet dans d'innombrables cas de répondre efficacement à ce que demande le réel Pour rouler en voiture ou pour allumer mon téléviseur, je n'ai pas besoin de me préoccuper de son fonctionnement technique, ou des théories scientifiques qui le fondent, de mes divers outils et appareils. Cependant, il est facile de constater que ce dont m'informe ainsi ma perception est constitué aussi d'éléments qui, tout en faisant partie de la situation, ne sont que très indirectement perçus Ainsi en va-t-il de la vitesse de mon véhicule : j'en perçois l'indication sur mon tableau de bord, mais elle n'a pas d'autre réalité qu'une indication chiffrée, abstraite et symbolique et j'ai rarement perçu de manière empirique la réalité que désigne l'expression cinquante kilomètres à l'heure Dans mes réactions interviennent ainsi sans cesse des principes, des schémas sensori-moteurs acquis par habitude, des notions ou concepts qui ne me sont pas livrés par la perception, alors même qu'ils sont bien constitutifs du réel où je me trouve. [...]
[...] On doit dès lors admettre, ainsi que le faisait Descartes, qu'il existe une différence entre la définition juste du triangle et son éventuel dessin, et complémentairement que la perception d'un triangle simplement dessiné ne peut nous enseigner comment le triangle doit être défini. Bien entendu, on pourrait être tenté d'objecter que ce triangle parfait n'est pas réel puisqu'il échappe à notre perception. Mais, outre que Descartes lui-même considérait que la nécessité qui caractérise les figures de la géométrie est semblable à celle qui nous oblige à concevoir qu'existe une vallée à côté d'une montagne, il est facile de remarquer que ce triangle idéal dirige bien ma perception du quotidien (me permettant, par exemple, de reconnaître certains panneaux de circulation). [...]
[...] Or ce que nous nommons réel même s'il nous échappe, suppose l'universalité. [...]
[...] Conclusion Que l'on aborde la question du point de vue de la métaphysique ou de celui de la connaissance scientifique, on aboutit à une conclusion semblable, même si elle dépend d'orientations différentes : le réel est ainsi imperceptible. Ce que nous livrent nos sens n'en constitue qu'une image superficielle et grossière. Si la perception suffisait pour le saisir, il y aurait longtemps que l'on en aurait fait le tour ! A ceci prés cependant qu'il ne serait encore repéré qu'en fonction de points de vue géographiques, culturels qui resteraient particuliers, s'il est vrai que la relation empirique au réel diffère d'un environnement à l'autre. [...]
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