« C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites » affirme Montesquieu dans l'Esprit des lois, en 1781. État, pouvoir et lois structurent la démocratie, où le pouvoir n'est pas alors détenu par un seul.
De « démos », le peuple, et « cratos », la force, le pouvoir, la démocratie est en effet le pouvoir remis aux mains du peuple. Apparue en Grèce au Vème siècle avant JC, abandonnée au Moyen-Âge, tout du moins en Europe, pour les monarchies de droit divin, puis enfin réintroduite, notamment en France, dès le XVIIIème siècle, la démocratie est un système politique, une forme d'État particulière. L'État, qui est une personne juridique à part entière, et qui exerce une autorité à laquelle est soumise une société, détient et exerce le pouvoir sur la société qui lui est soumise. Or, dans le système politique démocratique, le pouvoir étant aux mains du peuple, le peuple, et donc la société, semble pouvoir se confondre avec l'État. Exprimant les lois qui régissent la société, un peuple vivant dans une démocratie semble donc pouvoir, théoriquement, respecter ses lois, puisqu'il les formule lui même, pourtant, on doit remarquer que, même dans les sociétés les plus démocratiques, les lois sont souvent transgressées. En effet, comme le montre l'exemple grec antique des jetons d'ostracisme, à la tige creuse ou remplie, les lois sont l'expression de la volonté générale, et non pas de toute la société dans son ensemble. Peut-on alors dire que les minorités « opprimées » sont en droit de critiquer la démocratie dans laquelle elles vivent, c'est-à-dire, d'exprimer son mécontentement (on considèrera la critique comme négative, car la critique positive semble amener peu de débat au sein d'une démocratie) face à l'exercice du pouvoir par la société, sur la société ? Ou, plus largement, peut-on critiquer la démocratie, c'est-à-dire, est-ce que tout homme vivant dans une démocratie a-t-il le droit, et est-il en mesure de fournir une critique justifiée, légitime, de ce système politique ? Le droit de critiquer ce système politique semble intrinsèque au régime démocratique, largement libertaire (liberté d'opinion, d'expression...), mais la justification de cette critique semble plus problématique : chaque citoyen vivant dans une démocratie participe également à l'exercice du pouvoir, ne serait-ce pas, dès lors, une auto-critique que de critiquer le système alors en place ?
On peut alors se demander dans quelle mesure le citoyen d'une démocratie peut-il formuler une critique négative justifiée du système politique auquel il participe.
On étudiera dans une première partie la démocratie comme un système politique dans les mains d'un peuple, définissant ses propres lois, puis, en regardant les lois comme l'expression de la volonté générale, on pourra montrer que la démocratie peut aussi faire figure d'oppression des minorités, l'oppression des minorités, une négation de la légitimité du système démocratique en lui même, pour enfin réfléchir à la possibilité d'une forme d'État moins contestable. (...)
[...] Ayant passé ce contrat social, les hommes ont par ailleurs établit et mis en place un pouvoir, l'État, afin de régir la société. Si chez Hobbes le pouvoir est despotique au sens de Montesquieu (tous les pouvoirs sont détenus par le suzerain, qui ne peut, sauf en cas d'atteinte au droit de vie, être contesté, et cela afin de garantir un pouvoir stable), et si l'État peut être qualifiée de monarchie modérée dans l'œuvre de Locke (séparation des trois pouvoirs, que sont le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, entre deux personnes), l'État démocratique se caractérise, toujours selon Montesquieu, dans l'Esprit des lois, par une séparation des trois pouvoirs, détenus dans les mains de la société. [...]
[...] Mais peut-on alors admettre que la majorité représente l'ensemble d'un peuple? C'est la critique exprimée par nombre de minorités, qui se sentent opprimées dans les grandes démocraties. La critique des lois régissant une société démocratique semble être la preuve évidente que les lois de cette démocratie ne reposent pas sur le principe moral, que chaque homme connaît, selon Kant, car le principe moral est universel, et n'admet pas de discussion. Les lois de cette société peuvent donc profiter à un homme, à un groupe, à une large partie de la société, mais de façon injuste si elles ne sont pas morales, la critique des lois par un groupe de la société semble être donc une négation de la légitimé du système démocratique en lui même. [...]
[...] Peut-on critiquer la démocratie? C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites affirme Montesquieu dans l'Esprit des lois, en 1781. État, pouvoir et lois structurent la démocratie, où le pouvoir n'est pas alors détenu par un seul. De démos le peuple, et cratos la force, le pouvoir, la démocratie est en effet le pouvoir remis aux mains du peuple. Apparue en Grèce au Vème siècle avant JC, abandonnée au Moyen-Âge, tout du moins en Europe, pour les monarchies de droit divin, puis enfin réintroduite, notamment en France, dès le XVIIIème siècle, la démocratie est un système politique, une forme d'État particulière. [...]
[...] Pour Hobbes, qui le théorise dans le Léviathan, la création d'un État, et le regroupement des hommes en société repose sur un pacte social : les hommes, qui vivent alors dans un état de nature, qui est décrit comme un état de guerres permanentes, vont se regrouper à travers ce pacte social pour y trouver la sécurité, et en particulier protéger leur droit naturel qu'est le droit à la vie. Pour John Locke, dans De cive, qui le suit dans l'histoire, le regroupement des hommes en sociétés marque aussi la sortie de l'état de Nature, mais il nuance, pour sa part, cet état de Nature . [...]
[...] Pour conclure, on peut dire alors que si les lois de la démocratie peuvent être critiquées, c'est en partie parce qu'elles, ou parce que certaines ne sont pas morales, au sens de Kant, dans Fondement de la métaphysique des mœurs, et on peut alors s'interroger sur cette absence de moralité : est-ce que l'expression de la majorité est toujours immorale? Et peut-on réellement critiquer la démocratie dans la mesure ou la suppression de toute loi induirait un retour à l'état de Nature, état de Nature que les hommes ont préalablement fuis car leurs droits naturels s'en retrouvaient bafoués. En effet, peut-on réfléchir à un meilleur système politique que celui là, où le pouvoir gouvernant la société est aux mains de cette société, ce qui garantit, ou tout du moins limite de façon importante les prises de pouvoir abusives. [...]
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