Devant l'inquiétante béance d'un doute infini, nous faisons l'expérience de la relativité et de l'insuffisance de nos connaissances humaines. Ainsi, face à la crainte infinie d'un sujet limité et imparfait tendant vers irrévocablement à l'absolu et à l'universel, mais ne pouvant s'assurer que la médiation du savoir ne les lui rende accessibles, se pose la question de la relation qui existe entre « la crainte et l'ignorance » ...
[...] Ainsi, dans la recherche d'une autonomie plus grande de la raison, l'homme serait en mesure de dynamiser son existence et d'actualiser son essence, et par là même de ne plus se trouver entravé par le caractère réductible de sa pensée et de son être. Or, si l'on considère que la peur a créé les dieux, c'est que l'homme a eu besoin de se soulager d'une crainte angoissante. La religion n'est finalement rien d'autre que la relation de l'homme à lui- même : tous les attributs de Dieu peuvent être rapportés, bien que diminués, à l'expérience humaine. Face à sa crainte de l'au-delà, l'ignorance de l'homme s'en est trouvée renforcée car Dieu est la personnification de l'espèce humaine. [...]
[...] Donc la mort et moi, nous ne nous rencontrerons jamais. Il serait absurde de craindre ce que je ne puis rencontrer. De même, dans De Rerum Natura, Lucrèce dit que la vieillesse dans le monde doit céder au jeune âge qui l'expulse [ Ainsi, jamais les êtres ne cesseront de s'engendrer les uns les autres ; la vie n'est propriété de personne, tous n'en ont que l'usufruit. (Livre III, vers 963-996). En parlant de la mort, il ajoute : Qu'y apparaît-il d'horrible, quel sujet de deuil ? [...]
[...] Dès lors, par le désir sans mesure [des hommes] des biens incertains de la fortune, à flotter presque sans répit entre l'espérance et la crainte, ils ont très naturellement l'âme encline à la plus extrême crédulité En effet, si [ ] pendant qu'ils sont dans l'état de crainte, il se produit un incident qui leur rappelle un bien ou un mal passés, ils pensent que c'est l'annonce d'une issue heureuse ou malheureuse. C'est une critique de l'imagination naturelle des hommes, simple fonction du corps qui combine des perceptions et des affects, que Spinoza tente de mettre en place. Dans un premier degré de connaissance l'homme obéit par la peur : son ignorance et sa peur se conjuguent pour lui faire créer des fictions que Spinoza qualifie d'aberrantes. [...]
[...] C'est un moyen de se garantir une assise de leur pouvoir. Dans la préface du Traité théologico-politique, Spinoza prend l'exemple du régime monarchique : Si le grand secret du régime monarchique, et son intérêt majeur, est de tromper les hommes, et de masquer, du nom spécieux de Religion, la crainte par où ils doivent être maîtrisés, afin qu'ils combattent pour leur servitude comme si c'était pour leur salut, [ ] ; rien, par contre, ne peut être pensé ni tenté de plus fâcheux dans une libre république ; puisqu'il répugne tout à fait à la liberté commune que le libre jugement de chacun soit accaparé par des préjugés. [...]
[...] (scolie proposition LIV Ethique). Spinoza ajoute que si en effet les hommes impuissants intérieurement [ ] n'avaient honte de rien et ne craignaient rien, comment pourraient-ils être maintenus unis et disciplinés ? La foules est terrible quand elle est sans crainte Ainsi se détache un mouvement double allant de la crainte à l'ignorance et de l'ignorance à la crainte : la crainte est donc bien le produit de mon ignorance, mais une fois cette crainte installée, elle alimente elle-même l'ignorance par un refus de la dépasser. [...]
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