Michel Leiris, St Augustin et Lorenzaccio essayent à leur façon de résoudre l'énigme de leur moi. Ils essayent ainsi de trouver une adéquation entre leur moi-objet, agissant, et leur je-sujet. Pour y arriver, ils explorent plusieurs possibilités, et notamment celle de la relation à autrui (...)
[...] Dans quelle mesure ce jugement éclaire-t-il la lecture de nos trois œuvres ? Dans quelle mesure l'autre peut-il m'aider à résoudre l'énigme de mon moi ? Quelle place occupe autrui ou n'occupe pas dans la formation du moi et dans la connaissance que nous pouvons avoir de nous-même ? Nous verrons ainsi qu'autrui en tant que miroir de soi peut être une aide précieuse dans l'essai de la résolution des énigmes du moi. Puis nous nous apercevrons que l'expérience de la différence entre le soi et autrui peut risquer de nous perdre. [...]
[...] Ainsi, d'après St Augustin, notre relation aux autres hommes est limitée par une opacité irréductible. Chacun, en jouant la comédie, peut aussi empêcher l'autre d'atteindre la vraie réalité de son moi. Comment arriver à comprendre autrui, si celui- ci est caché sous un masque comme Lorenzo, masque qui lui colle tellement à la peau ? De plus, il apparaît que l'autre est une autre énigme à résoudre. Le moi qui échappe déjà à lui-même échappe d'avantage encore à l'autre. Autrui lui aussi se débat dans les énigmes du moi et cherche à les résoudre. [...]
[...] Accéder au Dieu qui est en soi serait donc un moyen pour atteindre son moi. Michel Leiris, lui, considère l'acte d'écrire comme un moyen privilégié de la connaissance du moi, moyen qui passe par la compréhension de l'alter ego. Dans son autobiographie, il essaye d'établir une certaine distance entre son moi et le moi qu'il dépeint : on peut dire en ce sens que M. Leiris fait du moi un autre en soi, un alter ego exemplaire, qui lui permet non seulement à lui-même, mais aussi à autrui, de mieux se connaître : l'écriture permet ainsi de mettre en lumière certaines choses pour soi en même temps qu'on les rend communicables à autrui. [...]
[...] Michel Leiris est conscient de ce décalage entre le je et l'autre et de ce qu'il peut lui apporter : Si rompu que je sois à m'observer moi-même, ( il y a sans nul doute des choses qui m'échappent, et vraisemblablement parmi les plus apparentes, puisque la perspective est tout et qu'un tableau de moi, peint selon ma propre perspective, a de grandes chances de laisser dans l'ombre certains détails qui, pour les autres, doivent être les plus flagrants. Cette mise à distance entre autrui et le moi est d'un grand profit si l'on considère autrui comme un autre moi-même, ce que sous-entend l'étymologie de ce mot. En effet, autrui signifie l'un ou l'autre de deux choix, choix dissociés, différents mais néanmoins comparables moi d'Augustin s'éprouve bien comme semblable à celui des autres chrétiens-. Ainsi, moi et autrui possédons des points communs. [...]
[...] En effet, est-il vraiment atteignable ? Peut-on vraiment arriver à comprendre autrui ? N'est-ce pas impossible et donc ne faut-il pas chercher d'autres moyens pour apprendre à se connaître ? L'autre peut me rester radicalement étranger. Comme le fait remarquer Lorenzo à Philippe Strozzi, Tu ne saurais jamais, à moins d'être fou, de quelle nature est la pensée qui m'a travaillé. ( ) il faudrait que mon cerveau et mes entrailles fussent à nu sous un scalpel. St Augustin a une position similaire. [...]
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