Si chacun de nous est susceptible d'éprouver du plaisir au contact d'une « belle » oeuvre d'art, cette expérience personnelle ne suffit pas à répondre aux questions que l'on peut se poser sur la nature et la fonction de l'art. Certes, la beauté fait partie des buts au moins possibles de l'art, mais elle ne suffit pas à le définir. La nature est belle aussi, et davantage. Si l'homme seul est un artiste, ce n'est pas d'abord en tant qu'artisan (un singe peut fabriquer un outil), ni en tant qu'esthète (qui sait si sa femelle, devant la roue du paon, n'éprouve pas aussi une espèce de plaisir esthétique ?), ni même par l'union de ces deux facultés. Une oeuvre d'art n'est pas seulement le beau produit d'une activité, ni tout produit une oeuvre d'art. Il y faut autre chose, que la nature sans l'homme ne content pas, et qu'aucune bête sans doute ne perçoit (...)
[...] Un nouveau style, un courant novateur, donne rapidement lieu à un cortège d'imitateurs qui, en appliquant sans réels talents leurs techniques, font apparaître par contraste le talent original du créateur. Ainsi, si l'acquisition de techniques est nécessaire, l'art n'en est pas pour autant réductible à la simple exécution d'une technique. C'est ce qu'on exprime lorsqu'on a recours aux notions obscures d'inspiration, de don ou de génie. Mais qu'est-ce que le génie ? Un talent ou un don naturel, répond Kant, qui donne à l'art ses règles. [...]
[...] De quelle façon tout art " rend visible " et que rend-il visible ? Si chacun de nous est susceptible d'éprouver du plaisir au contact d'une belle œuvre d'art, cette expérience personnelle ne suffit pas à répondre aux questions que l'on peut se poser sur la nature et la fonction de l'art. Certes, la beauté fait partie des buts au moins possibles de l'art, mais elle ne suffit pas à le définir. La nature est belle aussi, et davantage. Si l'homme seul est un artiste, ce n'est pas d'abord en tant qu'artisan (un singe peut fabriquer un outil), ni en tant qu'esthète (qui sait si sa femelle, devant la roue du paon, n'éprouve pas aussi une espèce de plaisir esthétique ni même par l'union de ces deux facultés. [...]
[...] Tout art, en effet, est manifestation sensible de l'esprit. Manifestation phénomène expression extériorisation , renvoient tous à une même idée, dont Hegel offre sans doute la meilleure formulation : l'esprit n'existe que dans la mesure où il ne demeure pas purement intérieur à la conscience ; il doit se servir de la réalité extérieure, de la matière, des corps, du monde , comme d'un support lui permettant proprement d'exister et de se mettre à l'épreuve de cette réalité matérielle. D'autre part, la sensibilité est déjà elle-même une manifestation de l'esprit : sentiments, passions, émotions constituent en effet une forme de manifestation spirituelle de l'homme confronté à la réalité du monde. [...]
[...] Pour son disciple Aristote, l'art contribue au contraire à une purification des passions (en grec, catharsis) : la poésie ou le théâtre éveillent en nous des émotions qui, à l'inverse de ce qui se passerait dans la vie réelle, sont éprouvées sans dommage et ressenties comme apaisantes. L'opposition entre Platon et Aristote porte sur un enjeu fondamental : quel lien l'art doit-il entretenir avec la réalité ? Des siècles plus tard, le peintre, graveur et théoricien allemand Paul Klee (1879-1940), nota que le processus créatif dépendait en grande partie de l'inconscient : inépuisable créateur de formes, il voulait pénétrer l'intérieur et non refléter la surface L'art ne représente pas le visible, affirmait-il, il rend visible. Que voulait-il dire ? [...]
[...] En outre, Hegel affirmait : Les choses de la nature se contentent d'être, elles sont simples, ne sont qu'une fois ; mais l'homme, en tant que conscience, se dédouble : il est une fois, mais il est pour lui-même. C'est pourquoi nous avons besoin d'art : pour extérioriser ce que nous sommes et y retrouver comme un reflet de nous-mêmes». Dans l'art, l'humanité se contemple elle-même contemplant, s'interroge interrogeant, se reconnaît connaissant. Cette réflexivité incarnée et sensible, c'est l'art même. Tous les arts sont comme des miroirs, disait Alain, où l'homme connaît et reconnaît quelque chose de lui-même qu'il ignorait. [...]
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