Pour vivre, il faut déjà survivre, et pour survivre, les hommes ont notamment introduit des lois, des conventions, des acceptions, d'où procèdent des droits communs régissant l'ordre de nos sociétés. Doit-on y voir des concepts exceptionnels ou des valeurs naturelles constantes ? Les rapports entre les hommes et les autres espèces sont-ils ségrégationnistes ? L'animal a-t-il des droits ? A une époque où l'homme proclame leur toute puissance et n'hésite pas à les qualifier d'universels, il convient de s'interroger sur leur pertinence, mais aussi sur leur adéquation lorsqu'il s'agit de les transposer à ce qui est animal sans être humain. Cet anthropomorphisme souvent inconscient trouve-t-il une justification dans la nature de l'animal ? En premier lieu, notre réflexion pourra considérer l'intérêt même des droits, autant pour l'homme qui les octroie que pour l'animal qui les reçoit. Il apparaîtra ensuite nécessaire de déterminer les conditions fixées par l'homme pour disposer de ces droits. Enfin, nous examinerons s'il est même légitime d'en accorder, tout en envisageant l'existence éventuelle de droits naturels pour tous les êtres vivants ...
[...] De la même manière, il apparaît que le fait d'accorder des droits suite à une réflexion n'est pas naturel. Quant à l'animal, il semble évident que ses droits au sein de chaque espèce soient tacites et naturels, tout comme leur respect. Nul besoin de les écrire. En voulant imposer le fruit de ses pensées, l'homme perturbe donc les animaux, qui eux n'ont pas besoin de superflu. Nous avons ainsi constaté à plusieurs reprises que l'intérêt des droits ne doit pas forcer l'homme à dépasser l'animal. [...]
[...] Beaucoup ne trouvent pas naturel que l'homme s'octroie le droit d'imposer son propre environnement à l'encontre de celui qui l'a créé, en mettant en avant la suprématie humaine et parfois la destruction de ce qui lui a indirectement permis d'exister. Il altère son environnement et ne vit plus en phase avec la nature, mais avec lui-même. Ces espoirs de retour vers l'ordre ancien peuvent en fait être réfutés. D'une part, où se trouve la limite véritable entre ce qui est naturel et ce qui ne l'est pas ? [...]
[...] C'est ce qu'il transparaît du préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l'Animal, proclamée solennellement à Paris, le 15 octobre 1978, à la Maison de l'Unesco, qui considère que tout être vivant possède des droits naturels et que tout animal doté d'un système nerveux possède des droits particuliers, [ ] que le mépris, voire la simple méconnaissance de ces droits naturels provoquent de graves atteintes à la Nature et conduisent l'homme à commettre des crimes envers les animaux Le texte s'appuie sur l'unité naturelle de la Vie, officialisées par les théories évolutionnistes, mais n'est pas dénué d'anthropomorphisme, ainsi que le suggère le premier alinéa de l'article 9 : La personnalité juridique de l'animal et ses droits doivent être reconnus par la loi Deux siècles auparavant, dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau soutenait déjà que l'homme qui réfléchit est un animal dépravé A la différence de la déclaration précédente, il y a là une conscience d'anthropomorphisme et une soumission aux animaux ayant su garder la candeur des droits, ce qui ne va pas sans rappeler le mythe du bon sauvage au XVIIIè siècle. L'animal tel que nous l'avons défini précisément remplit alors largement les conditions fixées par l'homme pour disposer de droits, jusqu'à même témoigner d'une aptitude supérieure. Sur quels fondements de légitimité l'homme peut-il se permettre d'en accorder ? Remarquons déjà que l'animal est parfois capable de s'accorder des droits et d'assurer lui-même leur respect. [...]
[...] L'homme paraît donc avoir un rôle régulateur majeur, et l'on peut maintenant chercher à quelles conditions il estime un animal apte à posséder des droits. Jusqu'à présent, le terme animal pouvait comprendre des espèces aussi différentes que l'homme, l'ornithorynque, la fleur, ou même la bactérie. L'étymologie latine anima indiquait simplement la présence d'un souffle vital Les théories à prétention anthropocentrique admises dans la plupart des sociétés placent l'homme au-dessus des autres espèces, et réservent à ces dernières une exclusive animalité, allant jusqu'à les assimiler à ce qui est véritablement naturel Physiologiquement, on peut en effet tenir compte des différences pour restreindre la notion d'animalité aux seuls organismes dotés de sensibilités, c'est-à-dire possédant un système nerveux de ressenti, comme le concevait déjà Montaigne dans ses Essais. [...]
[...] L'homme, à la différence des autres animaux, est capable de se donner des droits très préjudiciables pour lui-même. Le droit de rester en vie malgré ses déficiences, permis par la tolérance humaine et la médecine, est une véritable catalyse de la sélection naturelle à la défaveur de l'espèce humaine. Tandis que l'instinct dicte que seuls les forts doivent construire l'évolution, les hommes se démarquent en acceptant une prolifération de la décadence génétique, au nom des principes universels d'égalité. Dans cette optique il est concevable de penser que les droits soient un concept dangereux pour l'homme qui les manipule consciemment. [...]
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