« C'est donc un fait, Simmias, reprit Socrate, que les vrais philosophes s'exercent à mourir et qu'ils sont, de tous les hommes, ceux qui ont le moins peur de la mort. » C'est ainsi que Platon reprend dans Phédon le dernier dialogue de Socrate, sur son lit de mort, prêt à prendre la cigüe. Socrate qui choisit la mort plutôt que l'exil.
Mais la première question qui nous vient à l'esprit est pourquoi apprendre à mourir alors que la vie est sanctionnée indubitablement par la mort ? En fait on pourra partir du principe que la philosophie est positive, sinon l'affirmation de Platon ne tiendrait pas la route. La deuxième question qui s'impose est pourquoi penser la mort, cette angoisse, cette sanction qui met fin à la vie ? On essaiera donc de voir en quoi cette pensée n'est pas négative et ne suppose pas de se morfondre en attendant la mort bien au contraire. En même temps on tentera de dégager et résoudre les problèmes que pose la formulation du sujet. L'action de mourir est brève, qui plus est elle ne semble pas de notre ressort, que signifie donc « apprendre un état » ? Peut-on ici parler d'une technique ?
[...] On peut donc littéralement apprendre à mourir en s'éveillant au monde des Idées. II Philosopher, c'est apprendre à vivre Spinoza: "Un homme libre ne pense à autre chose moins qu'à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie." L'homme est libre lorsqu'il efface la pensée de sa mort par la pensée de sa vie, il s'écarte alors des fous et des systèmes qui s'appuient sur nos peurs : religions, idéologies, mirages offerts par la société D'ailleurs, à quoi bon s'encombrer de la pensée de la mort, notre fin programmée ? [...]
[...] Donc, on peut exclure catégoriquement l'apprentissage de la mort comme technique. Cependant, il faut considérer le terme de philosopher c'est-à- dire pratiquer la sagesse, exercer une réflexion en vue d'explorer les vérités au-delà des lieux communs. Littéralement, aimez la sagesse. Chez Platon et les philosophes antiques on pense à la recherche des choix de vie, ces doctrines philosophiques qui permettent d'atteindre la vie bonne, chez les Stoïciens ou les Epicuristes, c'est la condition humaine qui impose la constitution d'une sagesse en vue de mettre à profit cet intervalle entre la vie et la mort, faire fi de la fortune en minimisant ses prises sur notre vie ou encore jouir de la vie de la façon la plus simple possible. [...]
[...] Apprendre à mourir signifie-t-il désirer la mort ? Non-pas comme la fin de toute souffrance ou d'une existence sans intérêt, mais plutôt comme la poursuite de la vie voire comme une nouvelle étape dans la conscience. Dans Phédon, Platon rapporte les mots de Socrate : «les vrais philosophes s'exercent à mourir et ils sont, de tous les hommes, ceux qui ont le moins peur de la mort. S'il est réellement philosophe, l'homme aura la ferme conviction qu'il ne rencontrera nulle part la sagesse pure, sinon là-bas [en Hadès] Apprendre à mourir c'est donc d'abord prendre conscience de la mort comme un état meilleur que celui de la vie. [...]
[...] La réflexion philosophe est conditionnée par la mort. Comment envisager celle-ci ? Faut- il en avoir peur ? Il faut d'abord différencier crainte et angoisse. La crainte de la mort est un refus de celle-ci comme conséquence inévitable de l'écoulement du temps, comme appréhension d'une fin que l'on ne maitrise pas, comme effroi face à la fin de la conscience terrestre : on peut donc écarter cette acception de l'angoisse : avoir peur ne serait pas compatible avec une pratique de la sagesse philosophique qui doit mettre l'homme face aux vérités de son histoire, face aux vérités du monde sensible. [...]
[...] I Philosopher c'est apprendre à mourir Philosopher c'est apprendre à mourir. Attachons-nous à bien analyser cette affirmation. La mort est pour le médecin français Bichat la vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort La mort sanctionne la vie comme énergie vitale, vitalité, désir elle est la fin de l'existence en tant que participation aux choses de ce monde, c'est-à-dire l'appartenance à une société, elle met fin à l'activité au sein d'un groupe humain ; c'est donc aussi le point d'arrêt de la conscience telle qu'elle peut être définie ici-bas sur Terre. [...]
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