Donc, à quel soit disant bien fondé s'en réfèrent ceux qui défendent cet hédonisme démesuré ? A l'égard de quelle autre légitimité peut-on affirmer qu'ils prônent un idéal parfaitement illégitime ? De cette opposition entre deux conceptions du « légitime », s'il y a véritablement opposition, laquelle l'emporte ? Pourquoi ?
[...] D'aucuns prétendent que celui-ci réside dans la satisfaction de tous nos désirs, sans exception. Non seulement ils assimilent le bonheur à leur assouvissement, mais ils clament haut et fort la parfaite légitimité de cet idéal Pourtant, on voit bien que l'individu qui cherche à satisfaire tous ses désirs risque de le faire au dépend d'autrui, au mépris des règles fixées par la société. Or, si l'on prétend cet idéal légitime, c'est-à-dire en conformité avec les lois et la morale, nous sommes en droit de nous interroger sur la nature des lois auxquelles il obéit. [...]
[...] D'autant plus que si l'on analyse le désir comme désir de ce que l'autre désir ou désir du désir de l'autre, nous avons besoin de l'autre pour désirer. Maintenant que l'idéal de satisfaction de tous nos désirs ne peut qu'être écarté par quiconque est véritablement à la recherche de la vie heureuse, nous allons montrer que tout le raisonnement de Calliclès se désagrège, car en réalité la légitimité de son idéal ne tient pas tant aux lois de la nature qu'au désir d'un bien être égoïste qui, on l'a vu, ne fait pas son bien. [...]
[...] Et y aurait-il nécessairement contradiction entre les lois de la nature et celle des hommes ? Il convient de remarquer justement que cette loi de la nature sur laquelle s'appuie Calliclès pour recouvrir son idéal d'un voile de légitimité n'est pas recevable. Il suffit pour s'en convaincre de constater combien d'idéologues de toute espèce ont toujours brandi les lois naturelles pour justifier tout et son contraire et offrir une légitimité de façade à des interprétations dangereuses qui finissent toujours par être démenties, alors que nous connaissons si mal la nature. [...]
[...] Mais connaît-on tant d'individus qui cherchent activement à satisfaire tous leurs désirs, à l'exception des aliénés ? Voilà l'exception qui confirme la règle. En tant qu'individus normalement constitués, nous sommes capables de réfréner certains de nos désirs quand ils sont illégitimes et parfois nuisibles à nous-mêmes. Le pouvoir de l'éducation n'est pas à négliger, et il ne faut pas oublier non plus qu'il existe des prisons pour prémunir la société de tels individus, ce qui est aussi peut-être un moyen de les protéger d'eux- mêmes. [...]
[...] Juste, injuste, tout dépend de l'intérêt de l'individu à ce qu'il y ait des conventions ou non. Ainsi, les deux légitimités reposant sur des désirs, et la connaissance d'une justice transcendante nous étant impossible, soit qu'elle n'est pas à notre portée, soit qu'elle n'existe pas en elle-même, il appartient donc à la force de les départager. La vérité, elle, éclate au grand jour: elle nous enseigne qu'il n'y a que des faits, qu'eux seuls sont bien réels et par là indiscutables. La justice des faibles ? [...]
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