Devoir, bonheur, religion, bien, morales téléologiques, rigorisme, Kant, conscience morale, prudence
La notion de devoir évoque souvent l'idée de contrainte, qui est subie de l'extérieur et semble ainsi s'opposer à l'exercice de ma liberté. Le devoir s'entend comme ce qui a lieu d'être, ce qu'il est nécessaire de faire : respecter mon devoir reviendrait donc à renoncer à ma liberté. Celle-ci est alors comprise comme la possibilité de faire tout ce dont j'ai envie. Or, on a vu que c'est là une compréhension faible de ce qu'est la liberté, puisque celle-ci n'est pas capricieuse, mais suppose la responsabilité et l'autonomie d'un sujet (auto = soi-même ; nomos = la loi = être autonome : s'avoir s'imposer à soi-même des lois, des limites ≠ faire tout ce dont j'ai envie).
[...] Ceci laisse à penser que la cs du devoir n'est pas si innée, ni si désintéressée que ça. C'est notamment ce que conçoit un des interlocuteurs de Socrate dans la République II de Platon, avec le mythe de l'anneau de Gygès : Gygès est un berger. Un jour qu'il fait paitre ses moutons, il découvre une cavité dans la roche, dans laquelle il s'introduit. A l'intérieur se trouve un géant mort, qui porte au doigt une bague dont s'empare Gygès. [...]
[...] Cette critique parait tragiquement confirmée a posteriori par l'attitude des responsables nazis qui ont prétendu, lors du procès de Nuremberg « avoir obéi et n'avoir fait que leur devoir » ( Voir R. Merle, La Mort est mon métier). En somme on se rend compte que le formalisme pur de la morale kantienne est trop abstrait et peut donc mener au fanatisme : vouloir accomplir le devoir à tout prix peut amener à réaliser des actes totalement immoraux. (ATTENTION : ne dites pas que Kant est un fanatique : il a bien cs de ce danger. [...]
[...] En outre, il découvre que la vertu morale par excellence est la prudence. Savoir vécu plus qu'appris, la phronésis est le savoir-faire de celui qui a de l'expérience, et qui, sans que cela puisse s'expliquer ou s'enseigner, sait s'adapter et moduler en fonction de la variété infinie des situations toujours particulières. Le prudent est donc celui qui, connaissant les préceptes moraux, sait aussi qu'il aura toujours à les vivre différemment en faisant face à l'urgence de l'action qui n'attend pas : il sait qu'il aura toujours à exercer sa délibération, à choisir pour faire du mieux possible en fonction des circonstances et saisir le kairos (moment opportun), comme il le peut, en vue des csq les meilleures possibles. [...]
[...] Autrement dit ce mythe rend compte du fait que la morale est une imposture sociale, car n'importe qui, ayant la certitude de pouvoir agir en toute impunité, n'aurait pas de scrupule avec son devoir. Ce n'est donc que le regard des autres qui nous fait être honteux, et non le prétendu respect du devoir. Car fondamentalement, chacun ne veut que son intérêt propre. C'est ce que redira Nietzsche au XIX e s en considérant que la conscience morale est le tour de force réalisé par ceux qui sont malades : faire en sorte que les forts se sentent coupables. [...]
[...] Il y a donc un lien analytique entre le bonheur et la vertu. Limites des morales téléologiques : Mais alors, si on glorifie ceux qui ont le courage de se sacrifier volontairement pour le bonheur des autres, il semble qu'ici, rien n'interdise moralement le sacrifice d'une minorité non volontaire au bénéfice du bonheur de la majorité. EX : délocaliser une tribu d'Amazonie pour construire un centre de thalassothérapie, qui accueillera bien plus de personnes que n'en compte la tribu. Ou encore mieux : exterminer tous les juifs pour que l'économie allemande aille mieux . [...]
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