Ce document est une dissertation d'anthropologie complète et entièrement rédigée. Nous aurons ici pour tâche de répondre à cette question primordiale : la pensée se heurte-t-elle à un insaisissable lorsqu'elle porte sur autrui et son corps ?
[...] Il ne s'agit pas d'une connaissance, mais d'une pensée, d'un processus analogique à partir d'une réflexion sur notre propre corps, réflexion permise car nous partageons une seule et même nature. Comme l'écrivait notamment Merleau-Ponty en développant les propos de Husserl, il y a va pour chaque être humain d'une pensée possible par le fait même qu'autrui se tient là comme être à la même image que chaque moi : « Prenons les autres à leur apparition [ Avant d'être et pour être soumis à mes conditions de possibilité, et reconstruits à mon image, il faut qu'ils soient là comme reliefs, écarts, variantes d'une seule Vision à laquelle je participe aussi. [...]
[...] Penser le corps d'autrui ne se limite nullement à la question d'une saisie perceptive d'autrui, car il nous échappe. Autrui est l'irréductible par excellence, nous ne pouvons penser son corps qu'à travers ses caractéristiques physiques (taille, poids, etc.) si nous nous en tenons à une pensée orientée sur le corps tel qu'il se présente immédiatement. C'est pourquoi penser le corps d'autrui requiert que l'on adopte une attitude qui relève du comme-si, car celle-ci permet de saisir la vie corporelle d'autrui sur un mode nouveau et bien plus complet. [...]
[...] Peut-on penser le corps d'autrui ? Penser et connaître sont deux activités dissemblables. Tandis que penser relève de la raison logique et de nos aspirations les plus fantasques, connaître fait référence à un savoir causal. Aussi la pensée peut-elle aisément porter sur ce qu'elle souhaite avec pour horizon ultime les limites de l'imagination. La difficulté ici est de saisir ce qui dépasse le cadre de notre propre expérience intime, à savoir le corps d'autrui en tant qu'insaisissable. Autrui, en effet, n'est pas comme l'ensemble de ce qui se présente à nos yeux un objet parmi tant d'autres. [...]
[...] Penser le corps d'autrui revient dès lors à imaginer autrui en sa dimension physique. Il s'agit là d'un exercice que l'on pratique quotidiennement et de façon anodine, tant lorsque nous rencontrons un individu dans un café que lorsque nous fantasmons sur l'être aimé. Roland Barthes écrivait à propos de l'attente d'autrui : « L'être que j'attends n'est pas réel. Tel le sein de la mère pour le nourrisson, le crée et je le recrée sans cesse à partir de ma capacité d'aimer, à partir du besoin que j'ai de lui'' : l'autre vient là où je l'attends, là où je l'ai déjà créé. [...]
[...] On reconnaît à travers les réactions physiques du corps d'autrui ses peurs, son irritabilité, sa joie, notamment grâce aux neurones miroirs qui « jouent un rôle majeur dans la reconnaissance et la compréhension du sens des ''événements moteurs'', autrement dit, des actions d'autrui »[2]. Mais nous demeurons ici confrontés à une pensée orientée sur l'aspect physique du corps, neurophysiologique, non sur la vie intime d'autrui. Sommes-nous ainsi soumis à une impossibilité de fait de pouvoir penser pleinement le corps d'autrui ? [...]
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