Parler pour ne rien dire, discours oiseux, bavardage, lien social, incohérence des propos, quête de sens, passer le temps, superficialité, phénomène de l'oralité, littérature orale, transmission du savoir, Claude Lévi-Strauss
Dans sa pièce "La cantatrice chauve" datant de 1957, Eugène Ionesco présente des personnages (le couple Smith, le couple Martin) tenant des propos futiles, saugrenus, voire totalement incohérents. Ils semblent dès lors parler pour ne rien dire. De même, dans "L'école des maris" de Molière, Léonor, fatiguée d'entendre les beaux discours de courtisans déclare : "je préférerais le plus simple entretien à tous les contes bleus de ces diseurs de rien". La littérature s'est donc depuis longtemps emparée de ce thème de "parler pour ne rien dire". Cette expression familière correspond souvent à l'idée de parler inutilement, d'avoir un discours oiseux. Il s'agirait donc de "parler pour parler" ; parler qui serait sa propre fin en soi.
[...] C'est le on dit qui l'emporte sur le je et le tu qui faisait jusque-là l'existence de la parole par la communication. Dès lors, l'expression parlons peu, mais parlons bien amène bien à la critique de ce bavardage inutile. La question de l'incohérence et de la quête de sens Au-delà du caractère insignifiant que revêt la parole dans le bavardage, parler pour ne rien dire pose la question de l'existence d'un sens dans une parole. En effet, parler, c'est dire, mais ce qui est dit signifie-t-il nécessairement quelque chose ? [...]
[...] Si on parle pour ne rien dire, pourquoi parler ? Autrement dit, si on parle pour ne rien dire, est-il recommandable de parler ? Ne serait-il alors pas plus préférable de se taire ? Parler : un acte contingent Parler est avant tout un acte non nécessaire et contingent. En effet, la parole peut être, mais elle aurait très bien pu ne pas être. On peut donc parler tout comme ne pas parler, autrement dit se taire. Parler apparaît dès lors comme une décision libre, une intention délibérée. [...]
[...] Toute parole, pour ne pas parler de rien, doit donc s'exprimer de façon claire et argumentée. Elle doit ainsi contenir un minimum de rhétorique, d'argumentation pour que l'individu tienne un discours cohérent. Dire quelque chose, mais surtout à quelqu'un Quand on parle, on chercherait par conséquent, à dire quelque chose de manière efficace et utile. Au sens large, parler, c'est utiliser une langue pour communiquer comme l'évoque Ferdinand de Saussure dans son Cours de linguistique générale. Parler, c'est donc mettre en œuvre une intention active et consciente de communications. [...]
[...] Parler pour ne rien dire renvoie alors à la question de la signification de nos paroles. Dès lors, toutes les paroles que nous prononçons ont-elles vraiment pour but de dire quelque chose ? Autrement dit, parle-t-on obligatoirement en vue d'exprimer, de signifier quelque chose ? Parler, c'est dire quelque chose Parler, c'est la volonté de donner du sens Parler est tout d'abord une disposition naturelle (hexis) chez l'Homme qui possède à la fois la phonés et le logos. Cette disposition le différencie des animaux qui ne possèdent quant à eux que la phonés. [...]
[...] Parler pour se ressentir homme Parler même pour ne rien dire, permet à l'Homme de se sentir homme. Ainsi, dans Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier, le personnage, Robinson Crusoé écrit la Charte de l'île de Speranza, charte dans laquelle il se donne pour règle de parler à voix haute, et ce, coûte que coûte. En effet, Crusoé craint de perdre l'usage de la parole parce qu'il n'a personne à qui parler et donc personne qui puisse lui répondre. [...]
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