Dans Les caves du Vatican, un roman d'André Gide, nous trouvons parmi les personnages le jeune Lafcadio. A la recherche d'une preuve de la liberté par l'acte gratuit, il ira jusqu'à tuer gratuitement, le crime gratuit constituant l'acte libre par excellence. Ici, Lafcadio semble avoir voulu le mal librement. Au contraire, dans l'Evangile selon Luc, au chapitre XXIII, Jésus dit, avant sa mort, « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font ». Dans ce contexte, les hommes ne semblent pas conscients de faire le mal, et donc pas libres.
Si l'on oppose ces deux scènes, nous nous trouvons dans un paradoxe situationnel. En effet, entre les bourreaux de Jésus et Lafcadio, pour un acte similaire, nous nous trouvons aux antipodes de l'intentionnalité. Nous sommes alors en droit de nous demander s'il est possible de vouloir librement le mal. Voyons les termes de cette question afin de cerner notre sujet. « Peut-on » fait appel à la capacité de vouloir quelque chose et concerne l'homme en général. « Vouloir » suppose une relation entre une personne désirant un état particulier du monde et cet état pas comme cette personne le voudrait.
[...] Cela pouvait ressembler à une façon de les diaboliser. En effet, si l'on présuppose que l'homme ne peut pas faire le mal, il serait tentant de déshumaniser qui le fait afin de sauver la nature humaine. Se dire qu'un tueur en série est diabolique a cela de rassurant que nous pouvons être sûrs que nous ne ferons jamais un acte pareil. Avec saint Augustin et Kant, nous ne pouvons plus nous décharger de nos responsabilités dès lors que nous faisons quelque chose de mauvais. [...]
[...] Dès sa jeunesse, il est taraudé par la question du mal ; c'est par cette question qu'il parviendra au christianisme. Durant son adolescence, il est l'esclave de ses désirs et vole des poires alors qu'il en a des meilleures, et ce, en abondance. Dans quel but a-t-il fait le mal ? Pour le simple plaisir de la transgresser, parce qu'il en a la liberté. Cette expérience se rapproche de péché originel, où Adam et Eve mangent le fruit de l'arbre de la connaissance tout en sachant que Dieu a interdit cela. [...]
[...] A la manière de Kant, elle soutient qu'Eichmann, loin d'être le monstre sanguinaire que beaucoup auraient voulu voir en lui, n'était pas un démon, mais un homme ordinaire, un homme que l'on peut qualifier de normal Tout au long de son essai, elle nous dresse le portrait d'un homme médiocre caractérisé par l'absence de pensée et par l'usage constant d'un langage stéréotypé. Il était un employé modèle et un bureaucrate méticuleux. C'est ici qu'Arendt décèle la source des actes d'Eichmann. Il est tellement zélé qu'il est incapable de distinguer le bien du mal, se contentant de faire son devoir en cessant de penser. Voici ce que désigne la banalité du mal. [...]
[...] C'est de cette manière que nous pouvons, tout en restant assurément des êtres humains, vouloir le mal librement. Peut-on vouloir le mal en toute liberté, c'est-à-dire en connaissance de cause ? Afin de trouver une réponse à cette question, nous avons commencé par supposer la possibilité ne pas vouloir le mal volontairement. Pour cela, nous avons effectué une approche classique, une démarche plus psychanalytique, une anthropologique et, enfin, une théologique. Nous nous sommes également rendu compte que chacune comportait en elle des limites difficiles à outrepasser. [...]
[...] La question que nous pouvons nous poser est la même que pose Augustin dans la première partie du dialogue : Unde Malum ? Trouver les origines du mal a été le fruit d'un long travail pour Augustin. Il le place dans le désir et pas dans l'acte lui-même, c'est pourquoi seule l'intention se juge. Pour savoir d'où il vient, Augustin nous invite à réfléchir sur l'ordre tripartite régissant le monde; nous avons la Mens (la faculté spirituelle se rapprochant le plus de Dieu), la raison (ou l'âme) et le corps. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture