Par définition, l'autre n'est pas moi : il comporte dans mon espace, dans ma perception, une étrangeté, une altérité qui peut aussi bien signifier mon rejet que mon accueil. Ans le premier cas, sa présence, telle que je l'interprète, peut provoquer en moi une certaine peur, qui est aussi une réaction de défense contre son intrusion et les intentions que je lui prête. Il est évidemment possible qu'au moment même où j'ai ainsi peur de l'autre, je produise sur lui le même effet. Or, de cette peur réciproque, il semble ne pouvoir sortir qu'un conflit.
D'où l'intérêt qu'il y a à examiner, si l'on entend éviter ce conflit, comment la peur de l'autre pourrait être surmontée, et par quoi elle pourrait éventuellement être remplacée.
[...] Dans le visage de l'autre, et dans ce que ce visage a de déroutant puisqu'il est simultanément autre et le même que le mien, s'affirme pour Levinas le principe fondateur de toute éthique : Tu ne tueras pas ? À la peur se substitue alors l'ouverture à autrui, devinée comme une autre version de l'humain, aussi nécessaire que la mienne à la constitution d'un monde commun. S'interroger sur la possibilité de vaincre la peur de l'autre, c'est supposer que cette peur est première. Peut-être n'est-ce pas obligatoire, si l'on veut bien être attentif au fait que le visage humain, lorsque je le perçois sans médiation, offre une signification immédiatement éthique. [...]
[...] L'autre vaut dès lors moins comme singulier que comme représentant anonyme d'un groupe : à travers lui, c'est de ce groupe que j'ai peur. La puissance que je lui accorde est moins la sienne que celle qui me paraît transparaître à travers lui. III) La possibilité d'autres relations En considérant l'autre de la sorte, je ne l'affronte pas directement ou immédiatement. Entre lui et moi viennent s'interposer ou faire écran nos cultures, nos classes sociales, nos rapports différents de l'argent, au pouvoir, etc. [...]
[...] Et c'est pourquoi il me fait peur. Une telle situation est bien entendu : au moment même où je découvre avec stupeur que ma vision du monde n'est as la seule possible ou réelle, l'autre fait la même expérience. Son territoire est également investi par ma présence. Lui aussi peut éprouver, à cause de moi, de la peur. Et l'addition de ces deux mouvements risque de mener à un conflit, à une lutte pour imposer à l'autre une présence désormais sans défaut. [...]
[...] Peut-on vaincre la peur de l'autre ? Par définition, l'autre n'est pas moi : il comporte dans mon espace, dans ma perception, une étrangeté, une altérité qui peut aussi bien signifier mon rejet que mon accueil. Ans le premier cas, sa présence, telle que je l'interprète, peut provoquer en moi une certaine peur, qui est aussi une réaction de défense contre son intrusion et les intentions que je lui prête. Il est évidemment possible qu'au moment même où j'ai ainsi peur de l'autre, je produise sur lui le même effet. [...]
[...] Les sociobiologistes, qui prétendent repérer une continuité entre le comportement humain et celui de l'animal, peuvent dans un tel contexte souligner l'importance du territoire propre, entendu comme l'espace du monde dans lequel le sujet veut instaurer sa maîtrise et faire se déployer ses désirs. L'existence commune doit alors s'interpréter sur le mode de conflit en permanence latent, et il n'est pas difficile de retrouver dans de telles conceptions l'écho des théories du XIXe siècle sur la nécessité de préserver l' »espace vital nécessaire à une société : dans les deux cas, qu'il s'agisse du rapport entre deux êtres ou entre deux collectivités, la rivalité est conçue comme première entre les deux partis, qu'elle soit individuelle ou nationale II) L'autre et son groupe Lorsqu'il analyse la coprésence de deux consciences de soi, Hegel insiste sur le mouvement qui anime chacune d'elle et la pousse à sortir de ce qu'il nomme la mêmeté »(soit le fait que chacune se retrouve dans l'autre parce qu'elles ont bien en commun d'être d'abord toutes deux des consciences), pour affirmer son indépendance et sa singularité relativement à l'autre. [...]
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