Sur le fronton du temple de Delphes consacré a Apollon était inscrit : "Connais-toi toi même, laisse le monde aux Dieux", formule contradictoire puisqu'elle signifiait d'une part qu'il fallait penser à se connaître et, d'autre part, que tout était décidé par les Dieux. Socrate ne retint que "Connais-toi toi- même" et fit figure de contestataire. Pour lui, "Connais-toi toi- même" signifiait qu'il faut atteindre la connaissance et la maîtrise de soi et s'affranchir des spéculations idéologiques et des explications théologiques. Alors, peut-on véritablement se connaître soi-même ? Que cela implique-t-il et comment y parvenir ? Au premier abord, il paraît absurde de se le demander dans la mesure où le "moi" est l'entité la plus proche de soi. Qui nous connaîtrait mieux que nous-mêmes ? Cependant, on s'aperçoit que, paradoxalement, une multitude de personnes rencontrent des difficultés à se connaître, et cela apparaît pour celles-ci comme une quête éternelle. Comment expliquer ce phénomène ? Qu'est-ce qui rend la connaissance de soi si difficile ? (...)
[...] Ne pas se connaître soi-même serait en ce sens évoluer dans une incertitude totale, un brouillard qui susciterait une incompréhension face à nos actions et une indécision face à nos aspirations. Comment mener ma vie à bien sans savoir qui je suis ? Admettre que l'on ne se connaît pas serait donc accepter d'avancer sans aucun repère, au risque de s'égarer. Au contraire, la connaissance du moi et notamment de ses atouts fournit matière à l'amour de soi et donc détermine la naissance de l'aspiration à ces actions. [...]
[...] ( ) A la façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous connaître, c'est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu'un ami est un autre soi- même». En effet, le seul moyen d'étudier l'œil, c'est de prendre un point de vue extérieur sur lui, de l'observer du dehors, ce qui n'est possible que par un intermédiaire : celui du miroir. De la même façon, puisqu'il est impossible de se connaître directement, on le fera indirectement, grâce à un médiateur. C'est autrui qui jouera le rôle du miroir. Je ne peux me connaître seul. [...]
[...] Peut-on parvenir à se connaître soi-même malgré les difficultés évoquées ? Il faut pour cela comprendre ce que se connaître soi-même signifie réellement. S'agit-il d'avoir une représentation exhaustive et juste du moi ? Cela est-il possible ? On pourrait concevoir la notion de connaissance de soi comme un accès à la connaissance du moi Cela signifierait en avoir une représentation sensible, exhaustive, complète, juste, parfaite. Concentrons nous donc sur cette notion de moi On peut se demander si le moi non pas en tant que chose mais en tant que représentation, existe réellement. [...]
[...] Dire je suis de manière absolue, immuable, consiste à restreindre le moi à figer cette chose insaisissable et en mouvement. On peut utiliser le langage pour décrire des parcelles du moi, qui vont probablement changer dans les années à venir, mais qui pour l'instant constituent une réalité - Je suis impulsive par exemple Mais on ne pourra jamais mettre de mot sur le moi sur cette chose aussi fragile, qui inclut autant d'impressions fugitives. Aucun mot ne peut saisir toute sa complexité. [...]
[...] Je me reflète en lui. Je me connais en le connaissant. L'introspection seule est inefficace, le sujet n'est pas autosuffisant, mais nous avons besoin des autres. Si autrui n'existait pas, si j'étais absolument seul, je ne pourrais pas même former le moindre jugement sur moi. Essayer de me connaître suppose en effet que j'adopte sur moi-même un point de vue extérieur, que j'adopte sur moi-même le point de vue d'autrui. Il faut donc avoir intériorisé le point de vue d'autrui. [...]
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