Par définition, si l'on veut bien considérer l'étymologie latine, représenter se propose de rendre présent, de révéler en tirant de l‘absence, autrement dit de rendre compte d'une consistance par l'entremise d'un support matériel auxiliaire -selon l'acception artistique. Quant à autrui, en tant qu'autre moi, il laisse percevoir une apparence à partir de laquelle il est possible de déduire -avec plus ou moins de bonheur- une identité étant donné que lui et moi appartenons à la même espèce : il est mon semblable, par conséquent je suis susceptible de le comprendre, d'interpréter ses faits et gestes.
Toutefois, son caractère authentique nous échappe puisqu'autre que moi dans le même temps. En cela, cette distance a priori insurmontable nous invite à nous contenter d'une posture surfaite et superficielle, basée uniquement sur une impression subjective, dépourvue d'arguments rationnels.
[...] Il lui appartient, certes, d'adopter une attitude spéculative à son encontre, à la faveur d'une démarche hypothético-déductive, mais ce ne sera jamais que des impressions, tout au plus des interprétations ayant pour fondement un savoir empirique réciproque. C'est parce qu'il arbore tel froncement de sourcils ou tel regard éloquent que moi, artiste, je suis en mesure de sonder et de déduire un état d'esprit à un moment donné. En aucun cas il n'est prouvé -et encore moins durable- mais c'est là tout ce que je possède pour rendre autrui un peu plus moi, pour le ramener à ma mesure, celle qui m'est la plus familière. [...]
[...] Cette notion détient-elle encore un sens dans l'art contemporain? Bibliographie Arts assistés par machine et art contemporain [Texte imprimé] : vers une nouvelle philosophie de l'art ? Hayat, Michaël (1965- . ) / L'Harmattan / 2002 Question de littéralité artistique [Texte imprimé] Amey, Claude (1941- . [...]
[...] Lorsqu'elle est employée inopinément, sur le vif, la photographie exclut également tout ménagement. Ne nous sentant pas observés, nous nous permettons un comportement autre qu'en société. Nous sommes le plus nous dans notre intimité, dès lors que notre moi profond, à la racine de notre être, triche le moins, s'exprime spontanément sans qu'il s'interroge quant à la légitimité de ses actes comme il pourrait le faire en présence d‘autrui. L'authenticité est atteinte au moyen de l'instantanéité: le cliché représentant un état d'esprit ponctuel censé concrétiser un sub-jectum durable aura valeur d'identité véritable. [...]
[...] Inutile d'espérer entamer une carrière politique sans se prêter à ce jeu: loin d'un Noli me tangere, le mot d'ordre est l'accessibilité, la cool attitude, peu importe si l'image de la personne en question -Alain Juppé est sans doute la figure la plus emblématique- ne correspond en rien à son caractère de base, le rôle qu'il joue séduit les masses et c'est tout ce qui compte. Sa vie publique repose sur un mensonge consenti. Cette fois-ci dans un contexte plus intime, être photographié ne va pas sans une certaine composition de notre part: notre tendance à sourire, à nous tenir droit, est motivée par notre volonté à paraître quoiqu'il arrive sous un jour flatteur. [...]
[...] Tous ces facteurs vont encore un peu plus déstabiliser l'artiste. Entre autres exemples, il s'agit pour les photographies de Nadar d'affirmer le prestige de certains hommes d'exception en vue de leur postérité: il n'est ici évidemment pas envisageable de réduire à néant un rôle social -politique ou artistique- tenu jusqu'à présent afin de paraître soi-disant naturel et authentique. Là n'est pas le but, de sorte que moins le modèle sera abordable et laissera deviner son tempérament de sujet, mieux ce sera, l'artiste aura mené à bien son œuvre. [...]
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