En 1987 aux Etats-Unis, un arrêt de la Cour Suprême (Edwards vs Aguillard) juge contraire à la laïcité l'enseignement du créationnisme dans les écoles publiques, ce qui est confirmé en 2005 par le juge fédéral Jones (Kitzmiller Doover). Cet exemple manifeste l'idée, plus admise en Europe, que le créationnisme et sa version moderne, l'intelligent design, relèvent d'un enseignement religieux, pas de la science.
Se pose alors la question de la connaissance du vivant. La connaissance des êtres vivants ne reçut le nom de biologie qu'au début du XIXe avec Lamarck et ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle que cette connaissance connait un essor considérable en raison de l'introduction de la méthode expérimentale. Cependant l'introduction de la méthode utilisée dans les sciences de la matière ne va pas sans poser des difficultés dans la mesure où l'objet à connaître, le vivant, est un être vivant qui, en raison de ses caractéristiques, résiste à l'observation et l'expérimentation. Ces difficultés ont pour origine le fait que l'être vivant est un organisme, or un organisme forme un tout dont les parties semblent subordonnées à une fin : la vie. Peut-on prétendre connaître le vivant à partir de l'application du seul déterminisme mécaniste ne cherchant que les causes efficientes ? Faut-il réintroduire le principe de finalité que les sciences exactes excluent, cette exclusion étant constitutive de leur scientificité ?
[...] Pour autant, est-il impossible de prétendre connaître le vivant par une méthode scientifique ? Les sciences peuvent aider à connaître le vivant dans une certaine mesure. Dans le cas des sciences expérimentales, la science suppose que tout objet qu'elle entreprend de connaître est compatible avec l'expérimentation. Le phénomène à étudier doit donc être clairement isolable, mais aussi artificiellement -en laboratoire - reconstitué, pour que l'on puisse comparer ce qu'il devient lorsqu'on intervient sur sa cause supposée. Bien que l'être vivant soit un organisme qui apparemment obéit à des fins, la biologie, en tant que science expérimentale, explique les phénomènes de la vie : elle recherche la ou les causes efficientes d'un phénomène donné et le recours aux causes finales est exclu, car elles ne peuvent être l'objet d'une expérience possible. [...]
[...] Appliquer à tous les vivants ce que l'homme trouve en lui serait en effet les dénaturer car chaque espèce a sa propre façon d'être en vie, c'est-à-dire de percevoir son environnement et de réagir, et ces différentes versions demeurent incommunicables. La première approche philosophique dénature le vivant, toutefois, même la connaissance scientifique, réduit le vivant à un processus physico- chimique. Le vivant, alors même qu'il nous concerne en permanence puisque nous en faisons partie et sommes sans cesse en contact avec lui, ne peut se connaître en tant que tel que par expérience intime. Mais, dès lors, on ne peut prétendre avoir une connaissance générale du vivant : nous n'en percevons que notre version. [...]
[...] Il n'est pas possible de revenir en arrière c'est-à-dire de répéter exactement dans les mêmes conditions la même expérience. Il est donc beaucoup plus difficile de dégager des lois, car l'adaptation peut faire échec à la prévision. L'être vivant est un individu. Les organismes ne sont pas interchangeables et les différences individuelles compliquent le travail de découverte de lois par définition universelles et nécessaires. Pour toutes ces raisons, le progrès de la connaissance du vivant en biologie est très lent. Les instruments qui, actuellement, permettent d'observer sans modifier - ou en modifiant peu - l'organisme facilitent la recherche. [...]
[...] Grâce à la présence de l'âme, Aristote prétend donc connaître le vivant. Cependant, affirmer de la sorte la présence de l'âme dans tout vivant n'est-il pas excessif ? Descartes dans Discours de la méthode propose ainsi la théorie de l'animal-machine supposant par là que les animaux n'ont ni conscience, ni sensations, ni âme. Certes, les animaux sont des machines plus complexes que les machines élaborées par l'intelligence humaine, puisqu'elles ont été créées par Dieu, toutefois lesdites douleurs de l'animal ne sont en réalité que des dysfonctionnements dans les rouages de l'automate. [...]
[...] L'homme est un vivant d'exception. L'être humain est un vivant parmi d'autres, mais il est très différent des autres, ne serait-ce que dans la mesure où il est incontestablement le seul apte à connaître le vivant : il est le seul capable d'élaborer la biologie jusque dans ses plus récents développements et de constater que la biologie semble proposer une interprétation un peu étroite ou dénaturante du vivant. Il en est de même pour les avancées de la neurobiologie, qui étudient les relations existant entre l'organisation des neurones, leurs connexions et le comportement humain : quelle que soit la complexité des modèles scientifiques ou expérimentaux qu'elle élabore, le philosophe lui objecte qu'il demeure une différence essentielle entre la modélisation scientifique d'un comportement et son vécu. [...]
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