Au XVIIIème siècle, face à une restriction totale des libertés et un accès au savoir réservé à l'élite, le peuple s'était enfermé dans l'obscurantisme et se contentait souvent de préjugés. C'est ce qui a amené les philosophes des Lumières tels que Kant à encourager le peuple à se servir de son propre entendement et à "penser par lui-même". Que signifie cette expression, porteuse d'espoirs et d'idéaux ? Est-il possible de penser par soi-même ? Comment y parvenir ? Il est légitime de se le demander, étant donné l'état actuel des choses dans notre société. En effet, on voit bien qu'une multitude d'individus lèguent totalement leur capacité de penser à d'autres. Cela s'illustre particulièrement bien avec le succès des sectes. Pire encore, la majorité des individus, bien qu'ils croient souvent penser par eux-mêmes, ne font que répéter des opinions acquises dans leur environnement. Pourquoi sommes-nous naturellement tous tentés de se laisser guider par des maîtres, de placer notre confiance totale en d'autres qui penseraient à notre place, ou de se laisser influencer par la tendance générale (...)
[...] Pour cela, il faut tout d'abord comprendre que tout le monde est capable de penser par soi-même. Ainsi, comme le souligne Descartes dans Le Discours de la Méthode, le bon sens est la chose du monde la mieux partagée Nous pouvons tous établir nos propres réflexions, plus ou moins poussées. L'important n'est pas leur valeur, mais bien le fait qu'elles nous appartiennent. Il vaut toujours mieux compter sur sa propre réflexion, quel qu'en soit son niveau, plutôt que de s'approprier les opinions des autres. [...]
[...] Voilà pourquoi penser seul n'est pas véritablement penser. D'autre part, penser seul est impossible dans la pratique. Penser est un processus. L'homme naît vide de savoir, mais avec la capacité de penser. Tout au long de sa vie, il acquiert par le biais des autres la matière pour penser. Penser seul serait donc comme faire fonctionner une machine à vide. De plus, cette matière à penser, c'est-à-dire la culture, va forcément être différente selon les individus et va donc influencer différemment la pensée qui en résultera. [...]
[...] Comment penser par soi-même si les symboles linguistiques que l'on utilise pour penser - les mots - ne viennent pas de nous ? Ce sont des siècles de mutations linguistiques qui nous habitent lorsqu'on parle. On pourrait même dire que c'est le passé qui parle quand on s'exprime. L'enfant reçoit également des connaissances, du savoir, mais aussi des opinions, de la part de maîtres, de livres, de sa famille et l'ensemble de son environnement. Comme le souligne Descartes dans Le Discours de la Méthode nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et [ ] il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étaient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ne nous conseillaient peut-être pas toujours le meilleur Une fois adulte, arrivé à maturité, capable de se détacher de l'état de tutelle, ces enseignements ne seront pas sans conséquence sur l'individu. [...]
[...] Tout d'abord, qu'est-ce que ne pas penser par soi-même ? En quoi cela consiste-t-il ? En acceptant d'intégrer des opinions dont on ne connaît pas le cheminement qui a permis d'y aboutir, c'est-à-dire la pensée, on peut dire qu'on ne pense pas par soi-même. Une opinion est l'émission d'un jugement tenant quelque chose pour vrai ou pour faux. C'est le résultat d'une pensée. Cependant, la personne qui nous transmet cette opinion n'a pas forcément elle-même compris la réflexion qui est à l'origine de cette opinion. [...]
[...] Ces explications sur les raisons qui poussent à ne pas exploiter sa capacité à penser par soi-même sont renforcées par la confiance incommensurable qu'on voue parfois en certaines personnes. Ainsi, la sagesse et les qualités de certaines personnes tiendraient alors lieu de justification, comme si cela avait la même valeur. D'autre part, Platon nous explique avec sa fameuse image de la caverne pourquoi il est si difficile de se détacher de ses préjugés et de penser par soi-même : Le prisonnier qui parvient à se détacher (il représente bien entendu le philosophe) commencera par refuser de regarder la lumière, à cause de la souffrance causée par l'éblouissement. [...]
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