Peut-on penser sans préjugés ?

Résumé du document

« Travaillons donc à bien penser, voilà le principe de la morale. » A la lumière de cette citation de Blaise Pascal, l'idéal philosophique serait de penser par soi-même, sans soumettre sa réflexion à des préjugés traditionnels généralement mal fondés, auxquels l'homme ne peut échapper dès lors qu'il incorpore à son raisonnement les stéréotypes qui ont été transmis et inculqués à travers le processus de socialisation. Le préjugé, que l'on peut définir comme une idée figée, un postulat immunisé contre toute réflexion, toute contestation, relève de la doxa, à savoir l'opinion courante qui ébauche l'approche première et vulgaire du monde sont s'imprègne inéluctablement tout individu. En ce sens, le stéréotype résulte d'idées conservatrices qui s'obstinent à juger sans connaître ; il engendre des généralités souvent fictives qui accentuent des phénomènes poussant l'homme à cataloguer l'autre, comme ceux de la ségrégation ou de l'ethnocentrisme par exemple. En revanche, la naissance de théories comme le rationalisme cartésien ou le cogito ont conforté et fortifié l'idée que l'homme peut épargner sa pensée des préjugés. En effet, le but de Descartes a notamment été de parvenir à exclure toute certitude, hormis un premier postulat indubitable à partir duquel il est possible de fonder toute connaissance. Dès lors, en faisant abstraction de tout, les préjugés ne peuvent que s'estomper et l'homme peut anéantir les idées prédéterminées.

Extraits

[...] De plus, penser sans préjugés est à la portée de l'homme si l'on considère que rien n'est plus dangereux que la certitude d'avoir raison même s'il convient de reconnaître que penser sans préjugés n'est pas forcément penser sans se tromper. Somme toute, s'abstenir de préjuger permet à l'homme de projeter la lumière sur des vérités fallacieuses et permet de penser le monde avec un point de vue moins subjectif, plus raisonnable, plus juste (ce à quoi l'homme altruiste et vertueux aspire). [...]

[...] PASCAL Blaise, Les Pensées. PLATON, Le banquet. PLATON, Phèdre. ROBIN Léon, Platon. SINGLY François, L'individualisme est un humanisme. [...]

[...] Les raisonnements mécaniques ne peuvent, en effet, s'adapter et s'appliquer dans une société moderne, progressiste, qui propose une foison de phénomènes complexes et dont les soubresauts ne cesseront de surprendre l'homme. Par conséquent, il faut se garder de tout réduire à une théorie présentée comme inébranlable et annihiler les stéréotypes pour promouvoir l'essor de la philosophie (littéralement l'amour de la sagesse Néanmoins, il apparaît presque impossible d'ignorer le vécu, se soustraire au passé, de penser librement, indépendamment des institutions sur lesquelles repose notre socialisation, elle-même fondée selon un modèle d'intégration conçu à partir de préjugés. [...]

[...] Au total, il semble difficile pour quiconque de se soustraire au processus de socialisation et donc de penser sans préjugés. Toutefois, l'influence qu'exercent les préjugés sur la conscience s'estompe avec une prise de conscience philosophique et l'élévation à un certain degré de culture savante. En outre, l'homme peut abolir les clichés dépourvus de logique s'il parvient à poser une philosophie distincte de tout, à laquelle il peut accéder en suivant les théories érigées par Descartes, Platon ou Pascal (cartésianisme, rationalisme, cogito, mythe de la caverne Si la philosophie ne renvoie pas nécessairement à la connaissance, elle met en oeuvre une réflexion, une problématisation et une conceptualisation qui constituent autant de tentatives pour refuser les dogmes et bâtir une certaine éthique. [...]

[...] En outre, l'homme éprouve un mal profond à pouvoir penser sans préjugés à partir du moment où il s'abandonne à une approche purement sensorielle du monde. A ce titre, doté de sens comme instrument de repérage, l'homme croit être conscient de ce qu'il vit et croit maîtriser ce qu'il pense. En revanche, il ignore que sa réflexion philosophique repose tout d'abord sur des réflexes idéologiques, des mécanismes de pensée qui lui ont été transmis malgré lui et que lui-même recycle et retransmettra à de nouvelles proies déjà conditionnées. [...]