La vie semble être unité : l'être vivant est un individu, c'est à dire, un être que l'on considère comme distinct par rapport aux autres, un corps qui ne peut être divisé sans être détruit. Dès lors, le partage de sa vie, qui implique une division de celle-ci en plusieurs parties paraît totalement paradoxal ; on ne peut en effet séparer sa vie. Pour autant, la notion d'individu véhicule aussi l'idée que l'homme est un élément d'une collectivité, de la société, qu'il est un être sociable. L'homme a besoin du monde qui l'entoure pour vivre, se nourrir, perpétuer et se reproduire.
A cet égard, partager sa vie, attribuer de la place dans sa vie pour autrui, devient possible. Par conséquent, dans quelle mesure peut-on partager sa vie ? Ce qui est essentiel dans le partage est l'existence d'une distinction entre plusieurs entités, voire à l'extrême d'une séparation. Le partage, nécessité ou désir, n'implique pas obligatoirement le sacrifice. Ainsi, pour répondre à notre problématique et en conservant à l'esprit l'essence de cette notion, nous étudierons successivement les différents sens que peut prendre l'expression « partager sa vie ».
[...] N'y a-t-il pas une part de notre vie qui se dérobe toujours à autrui ? Tout d'abord, de façon évidente, l'homme n'est pas un être solitaire et vit en société. Cela se manifeste dans les liens qu'il tisse avec autrui que ce soit dans la communauté restreinte qu'est la famille ou celle plus complexe qu'est la société. L'homme, en naissant, demande à être entouré par le soin de ses parents, puis devient autonome et élargit le cercle de ses relations pour satisfaire de nouveaux besoins. [...]
[...] Dans ce cas, le partage, l'ouverture à l'altérité ne seraient plus recherchés. Sartre, dans Huis- Clos, imagine l'enfer, non comme un gouffre plein de flammes, mais comme une pièce fermée dans laquelle les morts sont condamnés à vivre ensemble, à partager leur vie. C'est ainsi que l'un des trois morts conclut l'enfer, c'est les autres Sartre entend par là que la souffrance la plus douloureuse n'est pas celle physique mais psychologique, à savoir le regard d'autrui. En effet, la vie sociale est infernale dans la mesure où autrui me définit comme un objet du monde, par les actes que je fais. [...]
[...] En cela, partager son vécu est aussi légitime. Cependant, une objection apparaît quant au partage possible de sa vie : est-ce réellement sa vie que l'individu partage ? Effectivement, dans le cas de la naissance, on ne fait que donner la vie à un autre individu, celui-ci est distinct de nous. De plus, le don véhicule une idée de possession, de propriétaires, alors que le véritable rapport à l'autre est un rapport d'être ; la vie n'a pas besoin de se donner, elle a besoin d'exister, d'être là. [...]
[...] (Jn 15, 13) Commission sociale de l'Episcopat En outre, mettre au monde peut être considéré comme partager sa vie. En effet, l'individu qui met au monde, qui donne la vie permet la naissance d'un enfant qui partagera, non la même vie, mais certains traits de la vie du géniteur (transmission des caractères héréditaires). Par conséquent, cela paraît possible mais aussi tout à fait louable que de partager sa vie. De plus, partager sa vie, c'est transmettre sa manière de vivre, ses expériences à autrui. Il est ainsi possible de partager sa vie par l'éducation ou le récit. [...]
[...] Partager sa vie avec autrui serait alors une véritable condamnation, en effet elle serait à la fois inéluctable (nécessité) mais aussi pénible (recherche de la domination), et remettrait même en question la notion de partage : dans quelle mesure une volonté de dominer autrui peut-elle encore s'apparenter à une ouverture à celui-ci ? Dès lors, partager sa vie est-il réellement possible ? On peut dépasser ce paradoxe de deux façons : en remarquant que le partage, bien que perçu comme pénible, est à la source du bonheur et en revalorisant la pénibilité du partage. [...]
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