Réduire le temps de travail, comme cela se fait régulièrement depuis un siècle, c'est considérer que le loisir doit prendre une part et une valeur de plus en plus importantes face au travail, dans un rapport d'opposition entre les deux. Mais cette réduction s'est faite aussi récemment au nom du travail, pour favoriser l'embauche. Et le temps de loisir n'est-il pas employé parfois pour travailler, même si c'est de façon différente ? Dans leur contenu, leur finalité, et même dans la pratique quotidienne d'un individu, y a-t-il une opposition de principe, voire de valeur entre ces deux types d'activités? Une société peut-elle faire reposer son organisation sur une telle opposition?
[...] Cela donne cependant un moyen d'apprécier les différentes tâches effectuées pendant le temps de travail et celui de loisir. Mais avons-nous encore le pouvoir de choisir nos loisirs, du fait de leur standardisation? [...]
[...] Dans ce cas, n'est- ce pas la logique du travail qui l'emporte sur celle du loisir? Cette subordination se voit surtout quand le travail est abêtissant. La condition du prolétaire est telle qu'il épuise chaque journée sa force de travail, en échange non pas de ce qu'il a produit, mais d'un salaire. Il utilise ensuite ce salaire pour effectuer seulement ce qui sert à vivre, c'est-à- dire à table, au bistro, au lit nous dit Marx. Le loisir est donc aliéné par rapport à sa fonction première, puisque, au lieu d'être un moment de liberté et de satisfaction libre, il est devenu la période où les besoins peuvent être satisfaits, et où l'on reconstitue ses forces, à nouveau dépensées le lendemain, et ainsi de suite. [...]
[...] La cause contraignante et la fin purement naturelle du travail font comprendre pourquoi ce dernier peut être vu comme une punition au bagne ou comme une raison de mépris pour les esclaves. [2. Caractéristiques générales du loisir] C'est l'idée inverse qui domine dans le loisir. On désigne ainsi toute activité voulue et appréciée pour elle-même, librement effectuée, qui fournit la satisfaction du repos, du divertissement agréable, et sans enjeu de résultats particuliers. Le loisir, en effet, n'est pas censé produire quelque chose de matériel, de la sortie au cinéma le samedi soir à la pratique d'un sport-détente. On peut justement varier les activités, à la différence du travail. [...]
[...] Mais cela peut prendre d'autres formes: dans un sport collectif, la conscience de son rôle vis-à-vis d'autrui est permanente, le désir de s'affirmer par des prouesses individuelles est aussi présent. C'est aussi l'un des rôles que l'on assigne à l'école. Toutes choses qui correspondent à l'essence du travail. Celui-ci n'est ni opposé ni subordonné au loisir. Mais il devient difficile de savoir qui influence quoi. L'école en est un bon exemple: personne ne nie que l'élève travaille, et pourtant il n'est pas encore dans la vie active. Certains métiers sont pénibles et éprouvants, et c'est le loisir qui réalise les attentes du travail. N'y il pas confusion? [...]
[...] Cela ne veut-il pas dire qu'une nouvelle distinction peut être faite? [2. Travail et œuvre] Dans la mesure où les caractéristiques positives du travail, vues plus haut, ne sont pas toujours réalisées dans le travail, mais parfois dans le loisir et inversement, Hannah Arendt propose de distinguer le travail de l'œuvre. Le premier désigne uniquement ce qui est répétitif et soumis au rythme régulier des besoins, l'activité dont le but n'est que la consommation ou ce qui tourne autour de la consommation et les exigences de la vie. [...]
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